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Blog d'un condamné

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J-12

vendredi 21 juin 2013 à 18:34

Depuis que je suis aux soins palliatifs, je passe mes journées à lire ou à converser avec ma famille.

La frénésie de vie qui s'était emparée de moi à l'annonce de ma condamnation s'est soudainement arrêtée. Je me repose, ma liste de choses à faire avant de mourir n'est qu'un souvenir. À une exception près : finir « Du côté de chez Swann ».

Finalement, que fais-je sinon attendre la mort ? La fatuité de vouloir vivre à tout prix avant de mourir me frappe en plein visage. Pourquoi ? Pourquoi voulons-nous vivre telle expérience plutôt qu'une autre ? Pourquoi voulons-nous satisfaire nos plaisirs avant de disparaître ? Quelle différence cela fera-t-il après la mort ?

Après la mort ? Aucune. La différence a probablement lieu dans l'ultime seconde, l'infime instant où l'esprit comprend qu'il disparaît. Si l'homme emporte des regrets, des occasions manquées, des non-dits, ce dernier moment sera source de désespoir. Mais si la vie fût bien remplie, il partira satisfait, un petit sourire aux lèvres comme pour dire : « C'était bien. Un peu trop court mais bien ! ».

Peut-être est-ce le sens profond de la vie : préparer cette ultime minute. Nous ne vivons que dans l'attente de notre dernier souffle.

Malheureusement, pour beaucoup d'entre nous, la vie se révèle aride, chiche en instants magiques. Nous construisons notre sécurité afin de pouvoir, un jour peut-être, jouir du bonheur. Lorsque l'échéance se fait pressante, nous espérons nous ruer, boulimiques gloutons, afin de nous rassasier de plaisirs, nous tentons d'étancher une soif trop longtemps occultée par la bien-séance, le qu'en dira-t-on et l'illusion sécuritaire.

Au fond, le bonheur est l'alimentation de l'humain. Nous devons le varier, l'équilibrer mais jamais nous en priver.

Ce n'est pas aux soins palliatifs que se construit le bonheur de la dernière seconde. Il est trop tard. En vérité, je suis déjà mort.

À demain…