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Que mangeons-nous vraiment ? - De la terre à l'assiette - Lundi 29 Juin 20h50 | Accueil

lundi 29 juin 2015 à 23:16

Je viens de regarder la fameuse émission sur l'agriculture sur France 3 (et oui, fallait pas regarder le bonheur est dans le pré ce soir...) : ce fut plein de bon sens (paysan) mais c'était un documentaire à charge pas toujours honnête. Dans la seconde partie, quand il y avait des tests sur les qualités nutritionnelles, ça n'avait aucune rigueur scientifique. On n'a pas le droit de faire comme ils ont fait : imaginez, actuellement, on peut attaquer les industriels quand ils font des promesses sans preuve scientifique potable. Je suis du côté des réalisateurs, ils vont dans le bon sens mais ils ont bossé comme des barbouzes.

Ce que je leur reproche, c'est de ne pas faire un échantillonnage plus large (la variabilité chez les produits vivants comme le lait ou les tomates peut être très surprenante). C'est comme s'ils prenaient un américain et un européen au hasard, qu'ils les pèsent et qu'ils font des conclusions sur le poids des uns et des autres.

Pour le lait et l'omega 3 : on a bien vu dans le documentaire que certaines valeurs "qualitatives" pouvaient varier du simple au double (les fameuses cellules somatiques) pour le lait industriel. Le niveau d'omega 3 aussi pourrait varier comme ça non ? Plus peut-être ? Le lait du matin versus le lait du soir ? Peut-être que oui, peut-être que non, on ne sait pas. Et si on mets une vache montbéliarde en batterie, si ça se trouve le niveau d'omega 3 restera haut même si on leur fait bouffer ce soya (^^) OGM. Dans ce cas tout est réglé au niveau nutritionnel pour le consommateur non ? Fin du débat, on zigouille toutes les prim’Holstein pour les remplacer par des montbéliardes dans les fermes aux 1000 vaches et le consommateur soucieux de son cholestérol soupire de contentement.

Dans une démarche scientifique, en biologie, on doit prendre compte la variabilité naturelle et on le fait avec un échantillonnage suffisamment important. On prend aussi compte des biais dû à ce qu'on appelle "le fond génétique" et quand on doit valider ou attaquer une pratique, un traitement, on les étudie sur le même fond génétique. Ou si on doit comparer divers fonds génétiques, on le fait dans les mêmes conditions.

Et là, ils ne l'ont pas fait dans ce documentaire, on sait qu'ils ont raison parce que quand on a une base minimum en physiologie végétale, on l'anticipe leur résultat (les antioxydants, la plante les produit pour se protéger contre les agressions (trop de lumière, pas assez de lumière, trop d'insectes, etc.) et la plante est plus stressée en pleine terre qu'en hydroponique). C'est du gâchis cette émission, les industriels pourront l'attaquer sans problème et la décrédibiliser sans problème, ils contre-attaqueront avec des études contradictoires et/ou des pseudo-solutions, ils prendront de l'avance sur ceux qui devront redémontrer que les réalisateurs ont voulu faire et ils gagneront...

Une dernière chose pour la route, c'est cette histoire de F1. C'est la fête à l'amalgame. Les hybridations, c'est à la fois une réelle bénédiction pour l'humanité et une malédiction. Le processus tout à fait naturel (à la base de la vie sexuée, nous et vos enfants sommes des hybrides. Sans l'hybridation, c'est ce qu'on appelle du clonage). La F1, c'est la première hybridation. Elle est spéciale parce que très souvent, l'être vivant qui résulte d'une hybridation F1 exprime beaucoup d'avantages physiques de ses deux parents. En agriculture, tout le monde y gagne. Au début. Puisque les désavantages génétiques apparaissent aux générations suivantes, ça dégénère comme on dit chez les horticulteurs. On a une variété F1 avec la résistance de la mère et la productivité du père et en F2, on retrouve des plants avec la faible productivité de la grand-mère et la sensibilité aux maladies du grand-père... L'agriculteur ne peut pas se permettre ça, il a deux solutions : soit acheter encore et encore des F1 (et là il est économiquement captif du semencier) ou passer à des variétés génétiquement stables (les variétés véritablement anciennes). Mais ces variétés datent d'une époque où les méthodes de cultures n'étaient pas les mêmes et ne correspondent ni aux critères marketing des consommateurs. Elles demandent de repenser tout le processus de production et de distribution dans la mesure où leur fragilité ne permet que de les vendre dans un circuit court. Voilà la malédiction des F1 (les tomates, les plantes de décoration, les mulets, les tigrons, etc.). Mais ce que le documentaire ne dit pas, c'est que là maintenant, on peut faire un hybride entre la tomate ananas et la noire de crimée (ou autre combinaison) et cultiver le F1 (et si tu as une serre, tu peux les bouturer pour ne pas avoir à faire des F2). Et ce F1 "open source" entre variétés anciennes cultivées en culture paysanne, c'est bien ou mal ? C'est le mal d'après l'émission. Non sens !
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merci Chassegnouf, je regarderai ce docu. En tout cas on sent que t'es dans le milieu ou qu'au moins tu sais de quoi tu parles.
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