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Shaarli - Les discussions de Shaarli

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Site original : Shaarli - Les discussions de Shaarli du 23/07/2013

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Pétition · Centre 104, Théâtre Gérard Philipe : Déprogrammer le zoo humain! #exhibitB #contrexhibitB · Change.org

mercredi 26 novembre 2014 à 16:08
Best of the best links 26/11/2014
Ya une exposition qui craint un peu à Paris.. Cette pétition pour qu'elle soit déprogrammée.

"L'exposition met en scène des Noirs enchaînés et dans différentes positions dégradantes. Une femme africaine, seins nus, en costume “tribal” est suivie par une femme noire assise, enchainée au cou...Les figurants noirs sont embauchés dans chaque ville où l'exposition est présentée, et les spectateurs payent pour visiter un à un les Noirs, qui restent silencieux et immobiles. L'exposition fait référence aux zoos humains d'avant la deuxième guerre mondiale, où des Noirs et d'autres peuples “exotiques” étaient exhibés pour le divertissement des Blancs dans une époque encore bien plus raciste que la nôtre."

On peut encore lire
"Cette exposition, censée sensibiliser le public sur l'ignominie qu' a été l'esclavage, mais où l'oppresseur blanc n'est, contrairement aux noirs privés de parole qui portent ces tableaux, jamais montré, représente une version raciste , indigne et erronée de l'histoire.
Ces personnes sont réduites à leur condition d'esclave et essentialisées en tant qu'objet, ce qui porte atteinte à la dignité humaine."
(Permalink)

Choses vues, sur le web et ailleurs 26/11/2014
J'ai entendu parler de ce happening (je préfère ce terme à celui d'exposition ; ce n'est pas une exposition de noirs, c'est bel et bien un happening dénonçant le racisme et l'esclavage). Aussitôt annoncée, un collectif s'est formé en un temps record pour demander son annulation, au nom de la si commode dignité humaine.

Mais de quoi s'agit-il au juste ? Les auteurs parlent pour leur part de "spectacle vivant", que l'on ne peut pleinement comprendre qu'en y participant. Ce sont 12 "tableaux" qui dénoncent les actes commis pendant l'esclavage, la période coloniale ou aujourd'hui contre les immigrés, notamment africains. Dans la dernière partie, après le dernier tableau, les visiteurs sont amenés à remplir un (ou plusieurs, je ne sais plus) livres d'or, et à exprimer ce qu'ils ont ressenti. Spectacle vivant dans les deux sens du terme, dans la mesure où l'implication du spectateur est exigée.

Je précise en outre que c'est un spectacle qui est presque élitiste, par la force des choses, puisque il ne peut accueillir qu'une grosse dizaine de personnes à la fois. Je tiens ces informations d'un reportage de France culture consacré à cette "affaire".

Alors, une bonne fois pour toute, je suis contre toute forme de censure. Et s'il y a bien une chose qui m'agace au plus haut point, ce sont les indignés professionnels qui appellent à la censure (parce qu'il n'y a pas à tortiller du cul, demander l'annulation d'une œuvre, quel que soit son support, parce qu'elle ne plait pas ou ne répond pas à certains critères moraux, religieux, éthiques, politiques... c'est de la censure) de quelque chose **sans l'avoir vu**. On est exactement dans la même situation qu'en 2011, lorsque quelques cathos intégristes avaient foutus le bordel au théâtre de la ville à cause d'une pièce qu'ils qualifiaient de blasphématoire http://rue89.nouvelobs.com/2011/10/22/des-cathos-integristes-menacent-le-public-du-theatre-de-la-ville-de-paris-225837 Pièce qu'ils n'avaient bien sûr pas vue, et qu'ils refusaient d'aller voir, PUISQUE blasphématoire. Avec une logique comme ça, vous comprenez qu'on va loin dans la tolérance et l'ouverture d'esprit.

Pour ce que j'en sais, les auteurs et/ou metteur en scène ont invité je ne sais plus lesquels de ces contestataires à assister à l'une des représentations, afin qu'ils puissent se faire une opinion de visu et, le cas échéant, continuer à critiquer, mais de façon argumentée cette fois. J'aimerais vraiment savoir si les "antis" qui ont vu la pièce ont changé d'avis depuis. Mais ça, vos journaux ne vous le diront pas, il est bien plus facile et intéressant pour eux de mettre en avant les contres et d'opposer les gens les uns aux autres, plutôt que de parler des moments où deux camps d'abord opposés finissent pas tomber d'accord...

Parlons du fond maintenant. L'un des arguments que j'ai entendu lors de cette émission de radio était que l'on remettait le corps noir en situation de dominé (c'est vrai qu'ils ne le sont plus du tout, de nos jours...) et que jamais on ne présentait les oppresseurs et les coupables. Si ça ne vous fait pas sourire, c'est que vous ne pensez pas encore comme moi. Les oppresseurs et les coupables ? Ils sont dans la salle. Ils écoutent l'émission à la radio. Ils signent la pétition pour interdire le spectacle. Ils sont partout. C'est vous. C'est moi. C'est nos ancêtres, c'est nos enfants si on faillit à leur éducation. Ce sont nos actes, nos habitudes, nos mots, notre inconscient collectif.

Lu dans le texte de la pétition : "L'exposition met en scène des Noirs enchaînés et dans différentes positions dégradantes." Oui, mais ce sont des acteurs. Ils ont choisis d'être dans cette position. Les esclaves n'ont rien choisi. Le migrant assommé par les flics n'a rien choisi. Le noir qui ne rentre pas en boite n'a rien choisi. Le maghrébin à qui on refuse de louer un appart n'a rien choisi. Il y a quelque chose d'extrêmement condescendant, et même malsain à dire "on n'a pas le droit de faire ceci ou cela avec le corps d'un noir". C'est quand même aux noirs eux mêmes de décider ce qu'ils veulent faire de leur corps non ? On a suffisamment longtemps décidé pour eux.  Et si vous prenez le temps de réfléchir quelques instants à la question, vous verrez qu'ont le fait encore largement, cherchez donc des articles sur l'influence "blanche" dans la mode afro : coiffure, blanchiment de la peau... ils ont parfaitement intégrés que pour être "mieux vus" ils fallait être "moins noir".

Voilà pourquoi je n'aime pas les pétitions sur internet et que je n'en signe aucune : parce qu'elles permettent bien souvent de présenter les faits de façons biaisé, et finalement impliquent des gens en faisant appel à leurs bons sentiments, alors même qu'ils n'ont qu'une information partielle. Et partiale, parfois. Il s'est trouvé 19000 personnes pour signer cette pétition, sûrement relayée en masse sur les réseaux sociaux (et désormais sur les Shaarlis, j'ai trouvé cette info via http://qosgof.fr/fosteb//?N-Edww), cliquant sous le coup d'une impulsion émotionnelle. C'est pitoyable. C'est triste. C'est dangereux pour l'art et pour la démocratie : demain, avec ce genre d'emportement irrationnel, on interdira préventivement toute forme d'expression artistique un tant soi peu contestataire, pour protéger, au choix : les femmes (contre le sexisme), les enfants (contre la pédopornographie, à savoir qu'aujourd'hui une photo d'enfant nu et/ou avec un adulte nu près de lui, c'est considéré par certains comme de la pédopornographie - fouillez dans mes liens), les noirs, les arabes, les handicapés, les homosexuels, au nom de la discrimination, toutes les religions au nom de la liberté religieuse, du blasphème et tutti quanti... Quand bien même les œuvres en question viserait à dénoncer le racisme, la pédophilie, la folie des intégrismes, le sexisme et toutes les discriminations.

P.S. : d'accord avec la réponse du théâtre visé par la pétition : http://www.104.fr/programmation/evenement.html?evenement=358
"Depuis quelques semaines une pétition circule pour demander l'annulation d'Exhibit B. Les auteurs de cette pétition reconnaissent ne pas avoir vu l'installation-performance. Il est temps que cette polémique cesse.
Comment peut-on juger d’une œuvre sans l'avoir vue et demander son annulation sans la connaître et en l'accusant du contraire de ce qu'elle dénonce ? Faut-il dorénavant penser à travers des a priori ?
Programmer Exhibit B est un acte responsable. C'est une œuvre artistique d'une force et d'une clarté incontestable. À l'heure où le raccourci de la pensée devient l'emblème de notre société, c'est une grande chance de pouvoir accéder à une œuvre qui fait apparaître si clairement l'Histoire de l'humanité, qui place aussi directement l'Homme face à ses responsabilités."
(Permalink)