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Shaarli - Les discussions de Shaarli

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Site original : Shaarli - Les discussions de Shaarli du 23/07/2013

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Note - 35, 39 ou 32 heures de travail ?

dimanche 6 septembre 2015 à 10:14
Les liens de Kevin Merigot
J'ai vu passer sur la shaarli.fr plusieurs liens concernant le retour aux 39 heures. Dont un certain N. Enmoins (ou plutôt "haine en plus", c'est pour moi, c'est cadeau) que ça ne dérangerait absolument pas, illustrant à la fois la nocivité de l'égoïsme par rapport au bien commun, l'irrecevabilité de l'exemple personnel face à une analyse méthodique ainsi que pourquoi l'Humanité a survécu en utilisant sa capacité de réflexion plutôt que toujours sa force brute. Joli combo :)

Pour les personnes ayant peur de prendre du gras si elles réfléchissent trop fort, vous pouvez arrêter votre lecture ici, même si je trouve ça dommage et à côté de la plaque. Pour les autres, je livre ici un élément de réflexion, que je soumets comme toujours à votre esprit vif et critique.

Il est de bon ton de penser que les dirigeants et patrons sont à côté de la plaque, en dehors des réalités, qu'ils ne comprennent rien et qu'il prennent des décisions à la con. En effet, comment peut-on penser que revenir aux 39 heures permettra de réduire le chômage, alors qu'il n'y a déjà pas assez de travail pour tout le monde ? C'est absurde ! C'est tout le contraire.

Pour en prendre conscience, il faut réussir à voir ce qu'il se passe depuis environ 20-30 ans (pour cela, on peut prendre comme origine de l'analyse l'explosion du bloc soviétique). Cette tendance s'amplifie largement depuis 5 ans. Qui, il y a encore 10 ans, aurait cru qu'il y aurait en Europe une baisse nominale des salaires ? En dehors des marxistes, évidemment.

Ce qu'il se passe porte un nom : la guerre des salaires. Pour les personnes en désirant les détails, elles peuvent se reporter à l'ouvrage "Salaire, prix et profit" de Karl Marx, qui établit le rapport entre le salaire, le prix et le taux de profit. En très gros, on y apprend que Prix - Salaire - Coût du capital constant = Profit. Le "capital constant" étant ce qui est nécessaire à la production : machines, locaux, etc. Le capitaliste (possesseur des moyens de production) n'a que très peu de marge de manœuvre sur le capital constant (c'est pour cela qu'il joue au niveau des taxes et impôts, pour en payer le moins possible sur ce capital constant, ce qui est sa seule marge de manœuvre et, lorsqu'il le peut, il déménage là où ça lui coûte moins cher). Il faut garder à l'esprit qu'un capitaliste veut toujours AUGMENTER son taux de profit, la stagnation n'est pas envisageable (c'est la fameuse recherche frénétique de croissance, d'où l'omerta sur les "décroissants"). Il y a des raisons à cela, mais c'est hors sujet. Il n'y a qu'à se rappeler qu'un capitaliste n'augmentant pas son taux de profit (ou, pire, dont le taux de profit BAISSE) se fait rapidement bouffer par un autre.

De cette simple équation (*wink* *wink*) on en déduit que pour augmenter son taux de profit, le capitaliste bénéficie de deux principaux leviers : augmenter le prix et baisser les salaires. Or, que se passe-t-il en temps de crise ?

Exactement, augmenter le prix n'est pas acceptable. La seule issue est donc de baisser les salaires.

Comment procéder ?

Il est hors de question de procéder directement à une baisse nominale, ça serait la levée de boucliers. Mais la "crise" (qui n'est une crise que pour nous hein, pour les capitalistes, le taux de profit augmente toujours, je le rappelle) fournit une excellente occasion : le chômage. Le chômage (structurel et de masse, bref) explosant, le capitaliste bénéficie d'une réserve de main d'œuvre prête à sacrifier son salaire pour avoir un emploi (attendu qu'on lui bourre le mou avec ça à longueur de journée, c'est la seule véritable mission de Pôle Emploi).

Donc, réduction des salaires par la demande d'emploi.

Bien évidement, ce n'est très vite pas assez. Car les gens ne sont pas cons, ils ne travaillent pas à perte. Pas tout de suite. Comment donc faire baisser le salaire, sans levée de boucliers ?

L'augmentation du temps de travail bien sûr !

Pour le même salaire, travaillez 4 heures de plus par semaine ! Donc plus de production, mais sans avoir à embaucher, augmentant ainsi la production tout en accentuant la pression sur les salaires par le maintien au chômage d'un plus grand nombre. Les salariés n'ont pas l'impression de travailler à perte (après tout, ils gardent leurs salaires non ?) mais c'est tout bénéf (encore) dans les poches des capitalistes.

La suite, vous la connaissez, puisque à moins d'avoir un salaire à 0, le capitaliste cherchera toujours à baisser cette variable de l'équation. Lorsque le taux de chômage est assez haut, la population est prête pour accepter la baisse nominale des salaires, sans modification du prix, bien évidemment. Amplifiant ainsi la catastrophe économique pour la population.

Voilà pourquoi les propos de "moi ça ne me gêne pas de revenir aux 39 heures" doivent gêner n'importe qui qui se soucie du bien commun.

Ceux qui ont des positions de pouvoir et qui vous semblent dire des absurdités sont très loin d'être des abrutis. Leur but est différent du votre, et vous auriez tort de les sous-estimer. Parce que c'est comme ça qu'ils gagnent. Parce que vous pensez que, individuellement, vous tirerez votre épingle du jeu et qu'ils sont en dehors des réalités. Votre réalité, c'est eux qui la font, et le jeu duquel vous pensez pouvoir tirer votre épingle, c'est le leur, avec leurs règles.
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