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Lutte des classes : quand Judith Bernard agite son hochet… | Confusionnisme.info

jeudi 9 juillet 2015 à 22:38
Riff's Links 09/07/2015

Outre les aspects politiques de l'histoire, je me pose une question sur le raisonnement de Judith Bernard :  "« Cette histoire d’absence de lutte des classes parmi les tirés au sort est complètement fausse. Prenons une assemblée constituante de mille personnes tirées au sort, par exemple. Statistiquement, elle comporte 90 % de personnes des classes dominées et 10 %, maximum, des classes dominantes."

Je ne suis vraiment pas doué en math et en proba, mais si le tirage au sort est réellement aléatoire, il me semble qu'il n'y a au contraire rien qui garantisse qu'il y ait "90% de personnes des classes dominées" dans cette assemblée : en se remettant totalement au hasard on pourrait se retrouver avec n'importe quelle configuration, y compris celle où 100% des tirés au sorts sont issus d'un groupe représentant 1% de la population, non ?
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On "pourrait", oui… mais ça serait hautement improbable (mais pas impossible pour autant, donc).

« Si l’on tire au sort 1000 personnes, il y a 95 % de chances que les résultats des actes qu’elles effectueront seront identiques à ce qu’aurait fait la population entière, et ceci avec une marge d’erreur sur le résultat des décisions de ± 3 % (calcul d’intervalle de confiance). Ainsi, si 60 % des Français sont opposés à un projet de loi et que l’on tire au sort 1000 personnes, entre 57 % et 63 % des tirés au sort seront aussi opposés à cette décision avec une probabilité de 95 %. Ce sont là des gages de représentativité jamais atteints avec des élections. » (http://lavraiedemocratie.fr/10-iii-a-les-benefices-du-choix-du.html)

D'après mes (lointains) souvenirs de stats, c'est ça l'idée.

Une remarque par rapport à ça : https://n.survol.fr/n/non-le-tirage-au-sort-nest-pas-representatif
Réflexion intéressante, mais qui n'est "problématique" que pour des sujets très précis où l'opinion est divisée en 2. L'exemple de Judith Bernard (90% / 10%) n'est pas vraiment menacé par ce type de problème.

Autre réflexion, qui là par contre me semble tout à fait valable : https://parleragauche.wordpress.com/2014/10/15/ce-que-ne-regle-pas-le-tirage-au-sort/ . Il y aurait pas mal à en dire, je ferais peut-être un billet là dessus. Mais l'idée c'est que la proposition du tirage au sort d'une assemblée constituante est parfois avancée comme une "solution à tout". C'est à dire qu'il suffirait de faire papoter ~1000 types au hasard et d'accepter sans broncher ce qui sortira de tout ça, parce que "c'est démocratique".

Cette façon de penser me semble faire abstraction de tout un tas de paramètres (médias, capital social, culturel, économique, symbolique des "sélectionnés", etc). Le tirage au sort peut certainement avoir des utilisations ingénieuses, mais malheureusement la façon dont il est souvent présenté est une version dépolitisante, où l'idéal serait carrément que les "sélectionnés" n'aient « aucune idée préconçue ». Ceci afin de mener une politique "sans idéologie". Neutre. Une politique purement rationnelle, gestionnaire… ça ne vous rappelle rien ?

Pour le coup, dans la suite de l'interview, Judith Bernard en dit un peu plus, c'est assez intéressant. Ça y parle justement de dépolitisation, d'hégémonie culturelle, du rôle des partis. Mais je la trouve quand même légère, notamment quand elle dit « Dans une assemblée tirée au sort, la lutte des classes a lieu mais elle est purement argumentative. ». Parce que du coup ce n'est plus de la lutte, or la lutte et la praxis sont fondamentales dans la pensée marxiste, dans la construction de la conscience de classe. L'aspect purement "argumentatif" me semble une vision assez "bourgeoise" de la chose, et je rejoins le raisonnement d'Ornella Guyet.
− Yvain
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"Cette façon de penser me semble faire abstraction de tout un tas de paramètres (médias, capital social, culturel, économique, symbolique des "sélectionnés", etc)."

C'est surtout abandonner la capacité des individus à s'autodéterminer. On abandonne la souveraineté du peuple au profit de la souveraineté du hasard, c'est donc aux antipodes de la démocratie.

Et lorsqu'on sait qu'on est, en gros, incapable de générer du hasard vraiment hasardeux...
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