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Loi Renseignement : un vendredi à Matignon · Standblog

samedi 21 mars 2015 à 12:52
some links − chabotsi 21/03/2015
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CAFAI Liens en Vrac 21/03/2015
D’abord, il y a un problème sémantique : d’après le gouvernement, ça n’est pas de la surveillance de masse, vu que c’est un logiciel qui surveille, et compte tenu des limites techniques, il ne peut pas tout surveiller. Il ne peut surveiller qu’un échantillon de l’Internet français. (D’après moi, avec la loi de Moore et l’augmentation des budgets de lutte contre le terrorisme, le pourcentage ne va cesser d’augmenter, mais on me répond que le trafic augmente aussi. Soit.) Ensuite, il ne doit pas trouver “trop de suspects, sinon c’est rejeté par la commission CNCTR” (commission nationale de contrôle des techniques du renseignement) qui approuve la levée de l’anonymat des suspects avant de les passer aux services qui vont ensuite espionner de façon traditionnelle (filature, mais aussi éventuellement, et c’est une nouveauté, mettre un keylogger sur leur PC) [...] Commencer à surveiller le net depuis des boites noires, juste pour le terrorisme, c’est ce début de brèche. Un début de brèche n’est pas innocent, parce qu’il va s’étendre à toute vitesse.
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GuiGui's Show - Liens 21/03/2015
« Suite à mon billet précédent, Projet de loi Renseignement : peut-être du mieux, indéniablement du terrifiant, j’ai été gentiment invité à Matignon avec des collègues du CNNum cité dans le communiqué de presse Renseignement et des membres du SG. D’autres personnalités et associations étaient invitées, mais n’ont pas pu ou pas voulu participer.

[...]

Ça n’est pas anodin que d’être invité par les services du premier ministre suite à un billet de blog et une citation dans un communiqué de presse. Vérification d’identités par des policiers en gilet pare-balles et mitraillette en bandoulière. Nous sommes 4 du CNNum, trois permanents du Secrétariat Général et moi, seul membre ayant pu me libérer. En face, 8 représentants du gouvernement, du premier ministre, de l’intérieur et de l’économie numérique. Du lourd. On sent une certaine tension… Mais aussi une envie de séduire, de créer des liens, comme si on entendait “nous sommes des gentils, aidez-nous à faire un bon projet de loi, c’est pour lutter contre le terrorisme (mais pas que)”.

[...]

Il y a une évidence : ces dernières années, les techniques de renseignement ont considérablement évolué, avec l’arrivée d’Internet et des téléphones portables. Là où on surveillait des allées et venues de suspects et des rencontres dans le monde réel ou sur des lignes téléphoniques fixes, on voit plutôt des gens qui se connectent à Internet depuis chez eux ou s’appellent sur des téléphones portables jetables (c’était le cas pour les terroristes de janvier). Evidemment, la loi n’était pas prévue pour cela et les les terroristes ont suivi les progrès technologiques. Les services ont souvent semble-t-il, profité de zones grises comme par exemple l’utilisation d‘IMSI-catchers (fausses antennes GSM permettant de localiser des téléphones et/ou des cartes SIM). L’utilisation d‘IMSI-catchers sans l’autorisation est en théorie interdite, mais si l’on en croit le Canard Enchaîné, c’est monnaie courante.

Il était temps de faire évoluer la loi encadrant le renseignement, et c’est la volonté de Manuel Valls, qui a toujours eu une fibre sécuritaire.

[...]

Nous voilà prévenus. Vouloir limiter l’action des agents de renseignement, c’est devenir complice du terrorisme. Voilà qui ne pousse pas à une réflexion sereine. C’est dommage, les enjeux sont colossaux, et la loi concerne le renseignement, dont le champ est bien plus large que simple terrorisme.

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C’est là le cœur du problème, ce qui est pour moi ce qui ne peut être admis dans la loi Renseignement : le plan qui consiste à obliger les services Internet et fournisseurs d’accès à mettre des boites noires dans le coeur du réseau pour observer le trafic et signaler tout comportement suspect, qui sera transmis aux services de renseignements.

Je vous le répète, tellement c’est énorme : un algorithme, forcément secret car classé défense, va surveiller Internet. Pour désigner ensuite les suspects. C’est dérangeant à plusieurs niveaux.

D’abord, il y a un problème sémantique : d’après le gouvernement, ça n’est pas de la surveillance de masse, vu que c’est un logiciel qui surveille, et compte tenu des limites techniques, il ne peut pas tout surveiller. Il ne peut surveiller qu’un échantillon de l’Internet français. (D’après moi, avec la loi de Moore et l’augmentation des budgets de lutte contre le terrorisme, le pourcentage ne va cesser d’augmenter, mais on me répond que le trafic augmente aussi. Soit.) Ensuite, il ne doit pas trouver “trop de suspects, sinon c’est rejeté par la commission CNCTR” (commission nationale de contrôle des techniques du renseignement) qui approuve la levée de l’anonymat des suspects avant de les passer aux services qui vont ensuite espionner de façon traditionnelle (filature, mais aussi éventuellement, et c’est une nouveauté, mettre un keylogger sur leur PC).

C’est un peu comme si on me disait que Google ne fait pas de surveillance de masse en lisant tout le courrier transitant par Gmail, parce que “ce ne sont pas des humains qui lisent le courrier, ce sont des ordinateurs”. (On me l’a vraiment faite, celle-là, promis !). Sauf que les courriers sont analysés, y compris les pièces jointes. Et c’est ainsi que Google a dénoncé un pédophile en Août dernier. C’est très bien que ce pédophile ait été arrêté, mais ça reste de la surveillance de masse.

[...]

On part d’un problème sur lequel tout le monde est d’accord. Par exemple, le terrorisme. On met le mécanisme pour lutter contre en place. Et puis on l’étend, d’abord pour des causes aussi justes que la pédopornographie. Et puis on l’étend encore. Par exemple pour éviter que les mineurs ne tombent « par erreur » sur de la pornographie « normale » entre adultes consentants. Et puis derrière, ça se bouscule au portillon, on cherche à l’étendre encore plus, par exemple pour préserver les artistes qui meurent de faim à cause de ces salauds de pirates (si vous vous souvenez de ce que l’industrie de la culture a réussi à faire avec Hadopi, vous savez de quoi je parle). Dernièrement, on a même vu un élu demander à ce que les sites insultant les élus soient filtrés. C’est à peine croyable, une histoire pareille ? Et pourtant c’est ce qui se passe en Angleterre, où 20 % des sites les plus visités sont bloqués (le porno, c’est seulement 4 %)[1]. Le coup de l’élu qui veut censurer les sites injurieux, c’est français, par contre, et ça démontre que l’envie d’étendre le champ d’action des outils n’a pas de frontières.

Commencer à surveiller le net depuis des boites noires, juste pour le terrorisme, c’est ce début de brèche. Un début de brèche n’est pas innocent, parce qu’il va s’étendre à toute vitesse.

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J’ai posé la question à mes interlocuteurs sur le problème de l’efficacité de cette surveillance. La réponse, laconique, fut « même si les terroristes peuvent se planquer derrière du chiffrement, faut-il pour autant ne pas essayer de les surveiller ? »

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La surveillance de masse a un coût énorme. Pas seulement un coût financier, mais avant tout un impact négatif sur la société, en ce sens que c’est la négation de la démocratie, de la liberté des individus. C’est ce qui fait qu’on passe d’une société où le peuple élit ses représentants à un modèle où des gouvernants surveillent des gouvernés. Je ne veux pas de ce modèle, surtout si c’est pour une efficacité proche du néant. Bien sûr, avec la surveillance de masse, on va attraper des apprentis-terroristes, mais ça ne sera que du menu fretin, le pauvre type pas très malin qui rêve du grand soir djihadiste, mais qui a un QI proche de sa température rectale, un peu comme le crétin qui a voulu mettre le feu à ses semelles pour faire sauter un avion.

[...]

Le contexte, deux mois après Charlie Hebdo, tout juste trois ans après Mohamed Merah, fait que l’émotion l’emporte sur la raison.

Ça n’est pas une raison pour baisser les bras et laisser s’écrouler une des pierres angulaires de la démocratie, celle du respect de la vie privée, tellement importante qu’on la retrouve dans les textes de loi fondateurs. Saurons-nous, citoyens français, sortir de cette torpeur, de cette résignation, pour essayer de comprendre les enjeux de la loi Renseignement et s’opposer à elle dans ce qu’elle a de dangereux, tout en la modernisant là où c’est nécessaire ? »
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Escales internautiques 22/03/2015
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