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Le crépuscule d'une époque - Les blogs du Diplo

mardi 7 juillet 2015 à 19:39

"Les contribuables européens ne payent pas pour les fonctionnaires grecs. Ils payent pour les épargnants européens. Car c’est une tuyauterie financière désormais entièrement circulaire qui prête aux Grecs pour qu’ils remboursent les créanciers — de ces euros-là qui circulent sous leur nez, les Grecs ne voient pas la couleur. Les contribuables européens ont d’abord payé pour la reprise publique des titres grecs détenus par les banques privées — un grand classique. Maintenant ils payent directement pour eux-mêmes — enfin certains pour d’autres. On progresse…"
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Lordon analyse la "situation" grecque.
Un peu ardu à lire, mais très intéressant et éclairant.
Morceaux choisis (mais lisez quand même l'original. Vraiment.)

"Il ne faut donc pas se tromper dans l’appréciation de la portée de l’événement oχi [...] car c’est un ébranlement d’une toute autre sorte qui s’est produit dimanche 5 juillet. L’ébranlement d’un peuple entier entré en rébellion contre les institutions européennes. Et l’annonce d’un crépuscule — donc aussi d’une aube à venir.

Ce qui s’est trouvé enfin condamné et appelé à l’effacement historique sous cette poussée d’un peuple, c’est une époque et ses hommes.[...]

Une génération d’hommes politiques non-politiques. Le pouvoir à une génération d’imbéciles, incapables de penser, et bien sûr de faire de la politique. Le gouvernement par les ratios est le seul horizon de leur politique. On comprend mieux le fétichisme numérologique qui s’est emparé de toute la construction européenne sous leur conduite éclairée : 3 %, 60 %, 2 %. Voilà le résumé de « l’Europe ». On comprend que ces gens soient réduits à la perplexité d’une poule devant un démonte-pneu quand survient quelque chose de vraiment politique — un référendum par exemple. La perplexité et la panique en fait : la résurgence des forces déniées est un insupportable retour du refoulé. [...]

[...]

[...] c’est bien une génération entière qui est en cause. La génération du néolibéralisme. [...] tous ont été formés dans la même matrice, la matrice d’une époque. Comment l’économicisme néolibéral qui est une gigantesque dénégation du politique ne pouvait-il pas engendrer sa génération d’hommes politiques ignorants de la politique ? « Abandonnez ces sottises, regardez les ratios, ils ne sont ni de droite ni de gauche », on ne compte plus les décérébrés qui, répétant cet adage, auront cru s’affranchir de la politique, en faisant la pire des politiques : la politique qui s’ignore.

[...]

Têtes politiques en gélatine, experts de service, journalisme dominant décérébré, voilà le cortège des importants qui aura fait une époque. [...] Comme on sait, il faut un moment entre le coup de hache décisif et le fracas de l’arbre qui s’abat. Mais toutes les fibres commencent déjà à craquer. Maintenant il faut pousser, pousser c’est-à-dire refaire de la politique intensément puisque c’est la chose dont ils ignorent tout et que c’est par elle qu’on les renversera.

L’histoire nous livre un enseignement précieux : c’est qu’elle a des poubelles. Il y a des poubelles de l’histoire. Et c’est bien. On y met les époques faillies, les générations calamiteuses, les élites insuffisantes, bref les encombrants à oublier. Alors tous ensemble, voilà ce qu’il faudrait que nous fassions : faire la tournée des rebuts, remplir la benne, et prendre le chemin de la décharge."
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En forme Frédéric Lordon !
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