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La renaissance des communs de David Bollier

samedi 27 juin 2015 à 11:13

On m'a offert le livre de David Bollier, "La renaissance des communs", sorti au début de l'année 2014.
Je ne connaissais pas les communs jusque là. Ma conscience politique s'arrêtait à la division État / marché ou presque. Les communs viendraient bousculer cet ordre et établissant une "triarchie" : État/communs/marchés. Ce livre est vraiment porteur d'optimisme pour ceux qui ne veulent pas, soit que les marchés règnent en maître, soit que l’État bureaucratique et centralisateur gère tout, mais qui dans tous les cas n'acceptent pas la situation actuelle.
Tout d'abord, je ne peux que vous inviter à lire l'entretien que l'Observatoire des Multinationales a réalisé avec David Bollier en avril 2014 : http://multinationales.org/David-Bollier-Les-communs-nous
Également, la préface du livre vers laquelle le lien de cette note pointe.
J'ai, pour ma part, sélectionné un certain nombre d'extraits du livre qui m'ont semblé intéressant :
- "On estime que 2 milliards de personnes dans le monde subviennent à leurs besoins quotidiens à travers une forme ou une autre de gestion communautaire de ces ressources naturelles".
- "En tant que paradigme, les communs consistent en un ensemble évolutif de modèles opérationnels d'autoorganisation, de satisfaction des besoins et de gestion responsable qui combinent l'économique et le social, le collectif et le personnel. Ce paradigme est fondamentalement humaniste, et ses implications politiques sont profondes. Car, dans la pratique, promouvoir les communs, c'est se heurter très rapidement au duopole du marché et de l’État.
- "Pour reprendre les termes mémorables de R. Buckminster Fuller : "Si vous voulez changer quelque chose, construisez un nouveau modèle qui rende l'ancien obsolète"".
- "Les progressistes et socio-démocrates d'aujourd'hui ne semblent même plus aspirer à des transformations sociales ou politiques ambitieuses. Ils se contentent de se dépatouiller avec l'ordre existant, en se concentrant sur la conservation ou la conquête du pouvoir et de ses sinécures, comme s'ils constituaient la clé magique du changement social".
- "[Autrement dit] un commun, c'est une ressource + une communauté + un ensemble de règles sociales. Ces trois éléments formant un ensemble intégré et cohérent".
- "Le phénomène d'enclosure est le processus par lequel des entreprises arrachent de précieuses ressources de leur contexte naturel, souvent avec le soutien et la bénédiction des gouvernements, et déclarent qu'elles seront désormais évaluées à travers leur prix de marché. L'enclosure consiste à convertir des ressources partagées et utilisées de manière large en ressources propriétaires, sous contrôle privé, traitées comme des marchandises négociables".
- "L'Arabie Saoudite a dépensé un milliard de dollars pour acheter 700 000 hectares de terres en Afrique."
- "Ces enclosures de terres coutumières se développent à une échelle massive entraînant des déplacements en masse de commoneurs. On estime que 90% des habitants de l'Afrique subsaharienne, soit 500 millions de personnes, ne disposent pas de titres officiels sur leurs terres et risquent l'éviction".
- "Au niveau mondial, quelque 2 milliards de personnes et 8 milliards et demi d’hectares dépendent de droits d'usage coutumier. Quand ils sont dépossédés de leurs terres, les commoneurs ne peuvent plus cultiver, ni récolter leur propre nourriture, ni collecter leur eau, ni chasser leur gibier. Leurs communautés s'en trouvent brisées".
- "C'est en Bolivie, en 2000, que fut tirée la première salve dans une série de "guerres de l'eau" qui n'ont pas véritablement cessé ensuite. La banque mondiale avec la firme multinationale de construction et d'ingénierie Bechtel fit pression pour obtenir la privatisation du service d'eau de Cochabamba, troisième ville du pays. L'excuse invoquée était que cela encouragerait les firmes privées à améliorer le réseau et à étendre l'accès à l'eau des plus pauvres.  [...] Bechtel augmenta les tarifs de 50% et interdit la collecte des eaux de pluie dans des réservoirs sur les toits. Un mouvement de protestation s'ensuivit immédiatement. Des milliers de gens ordinaires manifestèrent aux cris de "L'eau est la vie". La coordination pour la défense de l'eau et de la vie exigea que l'administration municipale annule le contrat de quarante ans signé avec Bechtel et que l'eau revienne sous contrôle publique.".
- "Le milliardaire T. Boone Picjens a déboursé plus de 100 millions de dollars pour acquérir des aquifères dans les Hautes Plaines du Texas. [...] Les multinationales de la boisson continuent à accaparer des ressourecs d'eau souterraine dans le monde entier pour la mettre en bouteille - alors même que les réseaux d'eau publique peuvent fournir 4000 litres d'eau potable pour le même prix qu'une bouteille d'eau de marque."
-"L'un des premiers scientifiques à envisager cette possibilité a été le zoologiste russe Piotr Kropotkine dans son livre de 1902 intitulé l'Entraide, un facteur de l'évolution. Ayant étudié de larges pans du règne animal, Kropotkine conclut que 'c'est le poids évolutif de la coopération, plutôt que la compétition au sens darwinien du terme, qui explique le succès de nombreuses espèces, y compris l'espèce humaine". Les animaux vivent en association les uns avec les autres et s'apportent mutuellement de l'aide, ce qui a pour effet d'améliorer leur aptitude évolutive en tant que groupe".
- "La réalité empirique suggère que les adaptations évolutives peuvent survenir et surviennent effectivement à tous les niveaux du groupe. Pour le dire simplement, l'idée est que, même si la coopération et l’altruisme peuvent être "localement désavantageux" pour certains individus au sein du groupe, ils peuvent s'avérer des traits hautement adaptatifs pour le groupe lui-même. Comme le disent E. O. Wilson et D.S. Wilson : "L’égoïsme l'emporte sur l'altruisme au sein des groupes. Les groupes altruistes l'emportent sur les groupes égoïstes. Tout le reste est commentaire". "
- ""L'aspect le plus remarquable de l'évolution est peut-être, écrit le théoricien de la biologie de Harvard Martin A. Nowak, sa capacité à générer la coopération dans un monde compétitif" Et de poursuivre "Nous pourrions ajouter la coopération naturelle" comme troisième principe fondamental de l'évolution aux côtés de la mutation et de la sélection naturelle". Il vaut la peine d'observer que la popularité de la "théorie de la sélection individuelle" durant la seconde moitié du XXe siècle a coïncidé avec l'apogée de la culture de marché et de son éthique d'individualisme compétitif. Un exemple d'objectivité scientifique biaisée par la culture de son temps ?".
-"Ces idées impliquent une reconceptualisation radicale de l’État marché néolibéral. Mon collègue Michel Bauwens propose que nous ré-imaginions l'Etat et le marché dans le cadre d'une "triarchie" avec les communs - l'Etat/marché/communs - afin de réorienter l'autorité et les systèmes d'approvisionnement vers des modes de fonctionnement plus avantageux pour la société. L'Etat doit changer de perspective pour devenir un Etat partenaire, comme le dit Michel Bauwens, au lieu de se contenter de jouer els serviteurs empressés du secteur marchand".
- "En tant que membre de cette triarchie, l'Etat continuera à jouer un rôle important dans la gestion des ressources qui ne se prêtent pas facilement à une division en portions bien délimitées. L'atmosphère, les pêcheries océaniques, le génome humain. Il gérera aussi les ressources qui ont le potentiel de générer des revenus importants tant à un niveau régional (extraction de pétrole ou de minéraux) et il continuera à gérer les terres du domaine public, les parcs nationaux, les zones naturelles protégées, la recherche publique et les infrastructures civiles, d'une manière plus consciencieuse et plus efficace. L'Etat doit être strucruté pour agir comme le curateur administrateur et fiduciaire des biens communs, non comme le simple gardien d'actifs du marché bas de gamme et d'infrastructures subventionnées à céder à des entreprises voraces".
- "Pour Andreas Weber, théoricien de la biologie allemand, les communs ne sont pas seulement affaire de politiques publiques ou d'économie. Ils sont une condition essentielle de la vie sous toutes ses formes, depuis la matière cellulaire jusqu'aux êtres humains. « L'idée des communs fournit un principe unificateur qui dissout l'opposition supposée entre nature et société/culture, écrit Weber. Elle supprime la séparation de l'écologique et du social ». Les communs nous donnent les moyens de réimaginer l'univers et notre place en son sein.
- « Les communs mettent en question certain des mythes fondateurs du libéralisme, de l'économie de marché et de la modernité. Ils rejettent l'idée selon laquelle l'innovation technologique, l'économie de marché et le consumérisme continueront inexorablement à améliorer nos vies si seulement nous y consacrons davantage d'efforts ou si nous nous en donnons le temps nécessaire. Comme on l'a vu, la prolifération d'antirichesse du fait de l'activité économique normale et sans doute aussi importante que la richesse créée. En ce sens, les communs osent remettre en cause la logique marchande qui sanctifie le prix comme arbitre suprême de la valeur, et le progrès matériel comme fondement de tout progrès ».
- « Tel est, en fait, l'un des aspects les plus séduisants des communs – le principe du localisme. Les gens gravitent vers les communs qui ils y voient un moyen de célébrer et de protéger leurs contextes locaux particuliers. L'identité d'une communauté est inévitablement mêlée à se géographie et à son architecture, à son histoire et à ses leaders. C'est aussi le niveau où les gens apprenent et développent un sens plus riche de l'humanité et de la responsabilité écologique. Wendel Berry, le poète et l'écologiste, l'a formulé en ces termes : « Seul l'esprit d'une communauté cohérente, pleinement vivante à la fois dans le monde et dans l'esprit de ses membres, peut nous porter au-delà de la fragmentation, de la contradiction et de la négativité, en nous apprennant à préserver, non en opposition mais en affirmation et en affection, toutes les choses nécessaires pour nous rendre joyeux de vivre ». »
- Comme Burnes Weston et moi l'avons expliqué dans notre livre Green Governance, il faut exercer une pression politique sur les Etats afin qu'ils reconnaissent un certain nombre de macroprincipes et politiques pour soutenir les communs. Ceux-ci incluent :
- Une gouvernance écologique fondée sur les communs et sur les droits comme alternative pratique à l’État et au marché.
- Le principe que la Terre appartient à tous.
- Le devoir de l’État d'empêcher l'enclosure des ressources des communs.
- Des communs sous garantie publique comme moyen de protéger des ressources communes à grande échelle.
- La reconnaissance officielle des communs part l’État, au même titre que les entreprises servant le bien public.
- Les limitations légales à la propriété privée.
- Le droit humain à établir et à maintenir les communs écologiques. »
- « On me pose souvent la question suivante « Que puis-je faire pour soutenir les communs ? » Ou bien comme me l'a demandé une dame à la suite de l'une de mes conférences « Comme puis-je devenir plus « communable » ? Merveilleux néologisme ! Je réponds toujours que tout doit commencer par votre passion et par l'endroit où vous vivez – et ensuite, trouvez d'autres personnes pour faire avancer vos idées, même si cet effort vous paraît initialement infime. La célèbre phrase de Margaret Mead vient à l'esprit : « Ne doutez jamais qu'un petit groupe d'individus conscients et engagés puisse changer le monde ; c'est de cette façon que cela s'est toujours produit ».
- « Les perspectives de changement politique significatif demeurent bien faibles dans la plupart des sociétés du monde. Le projet néolibéral n'est manifestement pas à la hauteur de ses prétentions utopiques de progrès et de prospérité pour tous, et pourtant les critiques traditionnels du néolibéralisme et les progressistes ne donnent pas l'impression de pouvoir tracer les nouveaux chemins dont nous avons besoin. J'ai bien peur que la plupart d'entre eux ne soient trop fatigué intellectuellement, démoralisés politiquement, ou affaiblis par leur désir de ne pas paraître marginaux dans le monde du pouvoir et de la respectabilité ».
Excusez les fautes de frappe / d'orthographe.
J'espère que ces quelques extraits vous donnent envie de vous intéresser au sujet des communs. Le livre publié sous Licence creative commons deed fr https://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.5/deed.fr et est accessible en PDF : http://docs.eclm.fr/pdf_livre/364RenaissanceDesCommuns.pdf ; le mieux restant si vous le pouvez, d'acheter le livre pour soutenir le travail de l'auteur, dont vous pouvez retrouver le blog et poursuivre la réflexion à l'adresse suivante : http://www.bollier.org/
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