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Site original : Shaarli - Les discussions de Shaarli du 23/07/2013

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2015 : l’odyssée de l’Internet — Medium

mercredi 14 octobre 2015 à 15:18
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L'Internet au Mali c'est deux opérateurs en oligopole qui ne se bougent plus depuis longtemps, un régulateur des télécoms hors service, du copinage politique, un musellement de la presse par le pouvoir de l'argent donc un frein au développement humain.

À lire impérativement, notamment la partie sur les usages qui sont inconnus du peuple malien car impossibles techniquement... Ça démontre, même dans notre pays mieux connecté, que la montée en débit (et donc la fibre optique) est indispensable pour ne pas être à la rue.


« Au tout début 2009, lorsque Orange (Orange-Mali) augmentait le débit Internet de 256Kbps à 384Kbps, nous étions aux anges.
Nous faisions alors peu ou prou partie du monde ; enfin, pas vraiment du monde, mais de l’Afrique et de l’UEMOA (Union Économique et Monétaire Ouest Africaine) au moins.

Je me revois espérer chaque année après ça voir arriver la traditionnelle augmentation de débit qui n’a jamais été une tradition que dans nos rêves.

[...]

Et pourtant, depuis ce jour, plus aucune évolution du débit Internet fixe !

[...]

Malitel (SOTELMA), opérateur historique, cédé en 2009 (encore) à Maroc Télécom (le gouvernement malien en conservant 49%), opérateur global (mobile, téléphone et internet) s’appuie sur la boucle locale (les fils de cuivre du téléphone fixe) pour ses offres Internet fixes.

Malitel a le mérite d’offrir des débits sensiblement plus importants qu’Orange sur une courbe à-peu-près linéaire d’augmentation des tarifs. Il est par exemple possible d’avoir une connexion ADSL 4Mbps/1Mbps pour 280 000F/mois (427€).


C’est la qualité du service rendu (ou non rendu si vous préférez) qui a amené les Bamakois à parler de connexion Livebox pour dire Internet fixe et non ADSL comme c’est le cas ailleurs. Dire que l’ADSL par Malitel ne marche pas serait bien sûr mentir : certains clients en sont très satisfaits mais ils sont peu nombreux. L’ADSL reposant sur le réseau téléphonique, la qualité de la connexion dépendra de la qualité (et de l’adéquation avec l’ADSL) de celui-ci.

Malitel a également la fâcheuse tendance à ne pas respecter ses clients. Ses agents, en boutique, n’ont probablement jamais suivi la moindre formation commerciale, ignorent ou insultent les client et n’exécutent pas leurs tâches.

Ajoutez à cela une facturation opaque (des montants fixes qui changent d’un mois sur l’autre) et une quasi-impossibilité de résilier le service payé et non fourni et vous rejoindrez les rangs de ceux qui ne sont pas choqués par une PdM de 4% pour Malitel.

[...]


Orange-Mali, filiale de SONATEL (opérateur historique au Sénégal) ; elle-même détenue par le groupe Orange est aussi présent sur le mobile et l’internet. Orange-Mali, bien qu’autorisé à utiliser (louer) la boucle locale pour l’accès à Internet a décidé (pour des raisons économiques — coût de réhabilitation, évolutivité) de s’appuyer sur la technologie WiMAX qui permet d’offrir des connexions fixes via une antenne directionnelle installée sur le toit du client.

À quelques exceptions (tolérées) près, Orange a toujours fourni un service de qualité, stable et en adéquation avec son offre… jusqu’en 2015. En effet, les 384Kbps (symétriques) vendus (à prix d’or) et attendus sont devenus l’exception dans un océan de galères, d’instabilité et de lenteur. Nous y reviendrons.

Sans autre concurrent qu’un suiveur incapable de fournir le service vendu, Orange a –avec tout la logique commerciale possible– choisi de profiter au maximum de cet environnement propice en ne faisant pas évoluer son offre alors que tous les FAI du monde investissent en masse pour proposer toujours plus de débit à un prix toujours plus bas, à la demande des populations.

[...]

L’Agence Malienne de Régulation des Télécommunications/TIC et Postes a été créée en 2003 avec pour rôle, comme son nom l’indique, de réguler le secteur des télécoms.

Début 2008, Choguel Kokalla Maïga, ancien de la SOTELMA, homme politique, est nommé à la tête de l’AMRTP (à l’époque CRT). Toute fin 2008, Orange-Mali renouvelle sa licence pour un montant très inférieur aux demandes initiales du gouvernement. Début 2015, Choguel Maïga est nommé ministre de l’Économie Numérique, de l’Information, de la Communication et des Postes. C’est le ministère de tutelle de l’AMRTP dont le siège de DG est toujours vacant mi-octobre…

De 2009 à 2015, l’AMRTP n’a procédé à aucune interpellation des opérateurs sur la question de l’internet fixe. Seules deux actions ont été menées, en 2015, après parution dans la presse d’articles sur la campagne #Mali100Méga:

[...]

Plus qu’une passivité, c’est d’une complicité par le silence qu’est coupable l’AMRTP et désormais le MENIC qui n’y trouve rien à redire.

[...]

Le débit n’a pas changé mais le monde lui a changé ; drastiquement même. Au delà de cette transformation dont nous reparlerons, il y a surtout la relativité de ce 384Kbps avec nos voisins. Le Mali fait partie d’une union politique, la CEDEAO (Communauté des États de l’Afrique de l’Ouest) et d’une union économique, l’UEMOA.

ugeons plutôt:
   Sénégal : 10Mbps pour 39 900F
   Côte d’Ivoire : 8Mbps pour 46 400F
   Mauritanie : 384Kbps pour 6 950F — 2Mbps pour 35 000F
   Algérie : 8Mbps pour 31 190F
   Burkina Faso : 512Kbps pour 41 900F
   Ghana : 2Mbps pour 37 000F
   Maroc : 20Mbps pour 30 500F
   Tunisie : 20Mbps pour 15 500F

Parmi nos voisins, seuls la Guinée (bloquée à 256Kbps) et le Niger (où le 384Kbps coûte 83 000F) sont pires que nous.

Dans le domaine des TICs plus qu’ailleurs, la nationalité, la couleur de peau, la provenance compte peu. [...] Ça c’est la théorie. La pratique, elle, est moins rose pour nous car le débit et le coût de cette maudite connexion nous empêche d’être concurrentiels face à nos frères sénégalais. Comment être productif quand tout transfert de fichier demande 26 fois plus de temps ? Comment être productif alors que l’on ne peut pas paralléliser les activités du fait du faible débit ?

[...]

OK le 384Kbps c’est nul, mais la 3G c’est rapide !

[...]

Et bien, parce que cette «3G», elle n’est pas utilisable pour nous autres entrepreneurs des TICs, et elle ne devrait pas l’être pour vous non plus (mais nous y reviendrons).

La 3G pose plusieurs problèmes :

   Elle n’est pas stable. Oui on peut avoir des débits impressionnants mais le yoyo perpétuel du débit est dommageable pour travailler. Il rend notamment les connexions Skype plus qu’aléatoires (pourtant le B-A BA du business).

   L’upload est pourri. Aucun chiffre n’est évidemment fourni par les opérateurs mais la vitesse d’envoi des données est bien moindre. Cette offre s’adresse visiblement aux consommateurs-seuls de contenus et pas aux créateurs.

   C’est extrêmement cher. Là où 36 000F (55€) nous donne un accès permanent et illimité à 384Kbps, ce même montant ne permet même pas d’échanger 5Gio de données en 3G où le Gio coûte 7 500F (11,5€).

   Imprévisible : comment évaluer ses coûts (et donc ses marges, son prix de vente et ses bénéfices) si l’outil de base, Internet est à coût variable ? Un client envoie un fichier d’un giga ? Hop, 7 500F de plus sur la facture.

   C’est de la fausse mobilité. On nous vend l’avantage (sur le fixe) de pouvoir l’utiliser de partout mais de fortes disparités de disponibilité et de qualité existent entre les quartiers de Bamako.

[...]

Orange-Mali propose en effet une «promo presse» qui consiste en une réduction de 30% sur les services Internet pour les groupes de presse.

Faire des cadeaux (les organes de presse bénéficient aussi de largesse sur les couvertures d’événements Orange) à la presse s’est révélé payant puisque les articles critiques à l’égard de ce chantre d’humanisme qu’est Orange-Mali se comptent sur les doigts de la main (du Capitaine Crochet ajouteront certains!).

Les journalistes que nous avons approchés le disent : ils ne veulent pas prendre le risque de se fâcher avec Orange, premier annonceur de presque toutes les publications et évidemment de la télévision.

[...]

Connaissez-vous les Vine ? Nous non. Nous ne connaissons pas ces micro-vidéos de 6s qui se partagent aussi facilement qu’on chasse une mouche de sa main parce-que ces vidéos, dont le but est précisément qu’elles soient lisibles instantanément ne sont pas du tout instantanées pour nous.

Youtube, on connait, on est pas gaou à ce point ; enfin c’est ce qu’on croit car on ne connait que la surface de Youtube : des clips musicaux, des illustrations de presse et basta.
Non, nous ne savons pas qu’il y a des millions de jeunes à travers le monde qui se confient plusieurs fois par jour sur leurs propres chaines Youtube pour raconter leur vie et discuter par vidéo interposées.
Non, nous ne savons pas que des passionnés que l’on appelle Youtuber se sont spécialisé dans la production de contenus vidéo (critiques, commentaires, réalisations) sur cette plateforme et en vivent.
Non, nous ne savons pas que les tutoriels vidéos sont une mode ; que pour des millions de personnes encore, la réponse à «comment on fait un nœud de cravate ?» consiste à saisir cette question dans le moteur de recherche de Youtube et de consulter des dizaines de vidéos instantanément.

Vous connaissez 9gag? reddit? 4chan? Ça ne nous dit absolument rien et pourtant ce sont des mastodontes.
Nous ne prenons pas part à ces conversations parfois brillantes, souvent stupides, généralement marrantes car elles sont essentiellement agrémentés d’images et de photos.
Les meme? Inconnus car techniquement hors de portée.

WhatsApp? Viber? Oui on connait, ce sont même de gros hits mais… en bon rebuts de la société de l’information, nous les utilisons lorsque c’est possible pour faire «de la voix» ou «du SMS» moins cher. Le bouton Image est un luxe que nous utilisons à l’occasion.
Voyez-vous, nous n’avons aucune idée du fait que les gens du monde tiennent des conversations complètes par photos interposées, à des vitesses défiant la saisie d’un SMS car c’est inimaginable.
Quand un cousin de la diaspora communique avec nous, il s’y risque bien mais l’image marrante censée encourager une réplique instantané n’est pour de longue minutes qu’une boite carrée assortie du poids du fichier : quelques centaines de kilos qui sonnent le glas du Chat.

Google Maps ? Connais pas. Google Drive ? Dropbox ? Si quand même ça on connait. Mais on utilise pas. Comment pourrait-on avec un débit si faible ? Ou pire, au quota. Vous avez dit double-peine ?

Trello ? Slack ? Jamais entendu parlé. Pas étonnant que l’on ne soit pas compétitif si l’on est même pas au courant de l’existence d’outils pour nous simplifier la vie.
En même temps, ces outils sont des WebApp censés fluidifier nos tâches par leur rapidité… tout le contraire de ce qu’elle sont vu d’ici.

Medium ? Inconnu. Wikipédia ? Sous-utilisé. Open-data ? Charabia. Twitter ? Limité.
À quoi bon avoir créé un réseau mondial, ouvert, et d’une immensité absolue si l’on est même au courant des grandes plateformes centralisées à la mode ? Comment découvrir des contenus originaux, neufs, dérangeants, innovants si l’on a pas liberté d’explorer. Car c’est de ça qu’il s’agit en fin de compte.

[...]

Le monde est en marche. Les applications ultra-centralisés qui font aujourd’hui la fortune d’Orange –qui mise sur la consommation au quota — vont l’écraser demain.

Orange se réjouit aujourd’hui de l’inculture informatique de ses abonnés Internet car elle lui permet de vendre plus mais c’est une bombe à retardement:

   Microsoft pousse une mise-à-jour obligatoire de 3Gio devant permettre de faciliter le passage à Windows 10.
   Youtube auto-charge de nouvelles vidéos à la fin de chaque visionnage.
   Facebook auto-charge les vidéos dans la dernières version de son application mobile.
   Twitter auto-charge aussi les vidéos dans son application mobile.

Tous ces usages ne sont pas des attaques de ces services ; c’est seulement la marche du monde qui vient nous rappeler qu’Internet n’a pas de frontière et que 500Mio n’est pas une consommation mensuelle réaliste. »

Via https://twitter.com/AdrienneCharmet/status/654036231848898560
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