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Contrôle des étrangers : FAI, hébergeurs et sites Internet impliqués, la CNIL zappée - Next INpact

mardi 21 juillet 2015 à 19:29

Le projet de loi relatif au droit des étrangers (dit loi sur l'immigration) est débattu cette semaine à l’Assemblée nationale. L’une des dispositions à suivre vient surarmer le droit des préfets de se faire communiquer les « documents et informations » détenus par quantité de personnes privées, dont les FAI, les opérateurs et les hébergeurs. Le tout gratuitement.

On se souvient que le gouvernement avait tenté un temps de « fliquer » les chômeurs en autorisant les agents de Pôle emploi à se faire communiquer par les banques, les opérateurs de télécommunication, etc. toutes les données les concernant. Devant la gronde, l’exécutif avait finalement fait marche arrière, estimant que le sujet n’avait pas été suffisamment « concerté ». La même tentative est désormais entreprise à l’encontre des étrangers candidats au droit de séjour en France, et ce à l’occasion du projet de loi sur l’immigration.


Quelles sont les personnes concernées ? La liste initiale est longue :

   Les administrations fiscales
   Les administrations chargées du travail et de l’emploi
   Les autorités dépositaires des actes d’état civil
   Les organismes de sécurité sociale et Pôle emploi
   Les collectivités territoriales
   Les chambres consulaires
   Les établissements scolaires et d’enseignement supérieur
   Les fournisseurs d’énergie, de télécommunication et d’accès internet
   Les établissements de soin publics et privés
   Les établissements bancaires et des organismes financiers
   Les entreprises de transport des personnes
   Les greffes et tribunaux de commerce
[...]

Fait notable, le gouvernement a reconnu la possibilité pour le préfet non seulement de se faire communiquer ces « documents et informations » mais également d'aller glaner sur place toutes les « données pertinentes » détenues par ces mêmes personnes. Notez le glissement sémantique entre « documents et informations » et « données pertinentes » qui accentue le flou, similaire à celui dénoncé dans le projet de loi Renseignement ou la loi de programmation militaire.

Comme par habitude, l’étude d’impact annexée au projet est totalement silencieuse. Elle ne détaille « ni les raisons ayant conduit à retenir certains organismes, ni les informations qu’ils devront fournir » regrette Erwann Binet, le député rapporteur du texte. Or, selon lui, « il est indispensable de mieux définir pour chaque type d’organismes concernés la finalité et la nature des informations susceptibles d’être demandées. »

Autres joyeusetés gouvernementales : dans le projet initial, l’administration n’est pas tenue d’informer l’étranger de l’aspiration de ses données personnelles. « Cette absence d’information rendrait dès lors impossible pour l’étranger concerné d’exercer son droit d’accès, de rectification ou de suppression de données personnelles pourtant consacré par [la loi] du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ». En outre, le gouvernement a bêtement oublié de prévoir une durée de conservation de ces mêmes données, sans s’interdire au surplus de pouvoir croiser les fichiers avec notamment ceux des organismes sociaux…  


L’article 25 du projet de loi a donc été réécrit en Commission des lois. On reste dans la logique d’un droit de communication reconnu au préfet, mais ce droit a été davantage encadré. Il ne concerne que la première demande de titre de séjour, son renouvellement ou le contrôle de son maintien. « Il exclut ainsi explicitement tout recours au droit de communication pour un motif autre que le droit au séjour de l’étranger concerné », comme pouvait le laisser craindre la version initiale. Il concerne, en façade, moins de personnes :

   Les autorités dépositaires des actes d’état civil
   Les administrations chargées du travail et de l’emploi
   Les organismes de sécurité sociale et Pôle emploi
   Les écoles, les facultés,
   Les fournisseurs d’énergie et des services de communications électroniques
   Les hôpitaux
   Les banques, les établissements financiers
   Les greffes des tribunaux de commerce

[...]

Seulement, que les partisans du tour de vis se rassurent : un petit détail est à relever entre la version gouvernementale et la celle de la Commission des lois, seule à être discutée en séance. Dans la liste des organismes tenus de répondre aux demandes du préfet, l’exécutif visait les fournisseurs de télécommunications ou d’accès Internet. Le texte adopté en Commission des lois leur préfère l’expression de « services de communications électroniques ».

Conséquences ? Sous couvert d’une liste plus réduite, mieux cadrée, la Commission des lois a au contraire accentué le long listing des acteurs devant obéir aux demandes des préfets. Le terme de services de communications électroniques est en effet nettement plus ample. Il englobe outre les FAI et les opérateurs télécoms, l’ensemble des hébergeurs et même n’importe quel service en ligne.

Enfin, toutes ces personnes ne pourront pas espérer d'indemnisation de l’État, comme le veut pourtant une jurisprudence agaçante du Conseil constitutionnel. La version du gouvernement comme celle de la Commission des lois préviennent en effet que ce droit de communication s’exerce « à titre gratuit. »
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