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Politique: SOCIALISME - Vous avez 2 vaches. Vos voisins vous aident à vous en occuper et vous partagez le lait... | LABOULETTE.fr - Les meilleures images du net! - Le Hollandais Volant

samedi 27 septembre 2014 à 11:52
Riff > Timo, le 27/09/2014 à 11:52
" Si on ne prend que les lignes du début[...), je dirais que le système actuel est la féodalité."

Je vais encore pinailler sur un détail historique, mais la féodalité ça serait plutôt : "Votre village possède une vache, et les habitants les traient à tour de rôle, donnent une bonne partie du produit au curé (qui en consomme un peu et file le reste à l’évêque), et se partagent le reste. Il a aussi un bœuf, utilisé à tour de rôle pour labourer les champs. Le seigneur du coin, lui, a deux vache, et vous réquisitionne un jour par semaine pour s'en occuper. Si les vaches du seigneurs ne donnent pas assez, les soldats du seigneur viennent parfois réquisitionner ce qui manque, au titre de paiement d'une "protection" contre les pillages. Par contre au village d'à coté, qui dépends d'un autre seigneur, les choses sont organisées différemment, et dans le village encore à coté, c'est encore différent".

La féodalité, contrairement à l'image qu'on en a (qui date de la Révolution Française), ce n'est pas simplement la toute puissance des seigneurs, mais un ensemble complexe et varié de relations d'ordre "contractuelles" entre différentes personnes et groupes sociaux, impliquant des droits et des devoirs du vassal envers le suzerain et du du suzerain envers le vassal, du seigneur envers ses sujets et des sujets envers leur seigneur. Ces relations incluaient de manière assez systématique des voies de recours, auprès du suzerain de son seigneur (en cas de conflit avec ton baron, tu t'adresse au comte, et ainsi de suite, la "cour d'appel" de dernier niveau étant le roi, ou, dans certains cas, le parlement), ou au auprès des autorités religieuses, suivant les cas, les traditions et les règles ayant cours dans le coin.

Ces relations s'inscrivant dans une vision religieuse de la société (la hiérarchie sociale comme reflet de la hiérarchie divine), elles sont d'autant plus respectée (des deux cotés) que les remettre en cause revient à violer l'ordre religieux, élément central des mentalités de l'époque...

Évidemment c'est loin d'être égalitaire comme relation, la force l'emporte souvent sur le droit, comme toujours, mais les différentes communautés paysannes du moyen-âge jouissait souvent d'une autonomie beaucoup plus grande que ce que l'on pense. C'est à la fin du moyen-age, avec la montée du pouvoir royal et de la centralisation que ces droits et cette autonomie, liés au système féodal, ont disparu au profits de rapports plus autoritaires et plus nettement en faveur des seigneurs.

Comme d'hab, la réalité est beaucoup plus complexe que les images simplistes que l'on en a de nos jours, soit noircies par la perception du Moyen-Age comme période d'obscurantisme héritée des Lumières et de la Révolution, soit idéalisées par la vison de la monarchie diffusée par les "historiens" royalistes et nationalistes à la Lorant Deutsch/Jean Sévilla...
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Kevin Merigot > Riff, le 28/09/2014 à 11:50
Je rajouterai que "la féodalité" a effectivement beaucoup évolué au cours des siècles. Et le système n'est pas tombé face à une aspiration soudaine à la liberté, contrairement à ce qu'on peut croire.

Ce qui a mis fin au système féodal, c'est la bourgeoisie, et cette bascule se fait dès le début du XIVe siècle. Elle mettra presque 5 siècles à s'accomplir, grâce à la main-mise progressive de la bourgeoisie....... sur le commerce, puis du commerce sur la politique, le fisc et même la justice pour certains bourgeois.

A la veille de la révolution française, le système féodal n'a plus rien à voir avec ses origines ou même la paix de Dieu. C'est, en définitive, la réactivation d'anciens droits féodaux que la coutume avait écarté qui occasionnera la levée de boucliers de la bourgeoisie et, avec elle, les paysans suiveurs (qui ne seront révolutionnaires que jusqu'en 1793, année pendant laquelle ils redeviendront de bons conservateurs et lutteront contre la révolution lors de la guerre de Vendée notamment).

Penser le système féodal comme uniquement mauvais est une erreur favorisée par l'écriture de l'Histoire faite par la bourgeoisie victorieuse. Le système féodal est un ensemble complexe de relations politiques, sociales et économiques évoluant sur plusieurs siècles, et il a évolué jusqu'à en être insupportable pour une partie de la population qui a acquis, à la faveur de la négligence des puissants ou d'opportunités locales, un poids important malgré la tradition de ce système.

Lorsque les pouvoirs nobliaux et religieux ont voulu reprendre le contrôle suite à une grave crise de leur système, ils n'ont pu le faire car leur réaction a été de tout reprendre "comme avant". Or le "comme avant" n'était pas possible pour la masse qui était prise à la gorge. De ce qui aurait pu n'être qu'une révolte, nous sommes passés à une révolution guidée par la nouvelle puissance naissante : la bourgeoisie.

Celle-ci se retrouva au pouvoir par la suite et partage aujourd'hui la domination de la masse avec ce qu'il reste de la noblesse ; grands bourgeois et aristocrates travaillant main dans la main pour exploiter l'ensemble de la population, aidée en cela par la petite bourgeoisie qui possède quelque terrain ou entreprise et qui sert à la fois de fusible mais aussi de main exécutante, protectrice des valeurs de la grande bourgeoisie (le travail, l'obéissance, la non-violence, qui ne diffèrent en rien des injonctions de la noblesse du XVIIIe siècle). La structure est totalement différente, mais les moyens de maintien de la population sont à peu près les mêmes (on en a trouvé d'autres depuis ceci dit). Mais c'est une autre histoire...

Penser que la féodalité était un système foncièrement mauvais a un effet pervers sur notre façon de penser notre propre système actuel, le capitalisme. En pointant que le système précédent n'était QUE mauvais, en niant son analyse et sa compréhension, on se dit que bon, en fait, le capitalisme, c'est pas SI mauvais que ça. Et cela nous empêche de penser le capitalisme et, surtout, nous empêche de le combattre efficacement. Parce que finalement, avant, c'était pire hein ?

Bah non, c'était la même, sous une autre forme. Et donc une révolution est possible.
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