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Gordon

source: Gordon

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À ceux qui râlent

lundi 22 avril 2013 à 00:00

Je n’ai pas l’habitude d’écrire ce genre d’articles. Il s’agit d’une réponse à un billet de quelqu’un que je considère encore comme un ami de valeur, au sujet du féminisme, ou plus exactement des débats qu’il occasionne ces derniers temps. J’ai initialement voulu répondre directement en commentaire, mais parce qu’il avait fait le choix de les fermer, je me retrouve à écrire ici. J’en profite pour mettre à plat certaines de mes opinions à ce sujet, en espérant ne pas trop faire doublon avec mes articles précédents, notamment celui-ci.

Le féminisme extrémiste (celui avec des grandes dents)

Bon tout d’abord, je ne sais pas combien de fois il va falloir le rappeler : il n’y a pas « le » féminisme. Pour rappel, il s’agit de revendication de l’égalité des sexes et des genres. L’interprétation là-dessus est libre, ce qui donne un tas de militantismes différents. Et crois-moi Jérôme (prenez l’habitude, je m’adresse à une personne particulière dans ce billet), le féminisme extrémiste, ce n’est pas ce que tu vois. Le féministe extrémiste flirte sans gêne avec la misandrie, et ça se voit très vite. Et de tou·te·s les féministes que je connais, personne ne soutient ces idées. Si vraiment tu veux lire ce que je considère comme du féministe extrémiste (ce qui est revendication de l’auteure), je te conseille de lire ceci. Je préfère te prévenir, c’est vraiment violent. Ce que tu appelles « féminisme extrémiste », ce sont des gens très visibles sur twitter qui passent une grande partie de leur temps à se plaindre. Se plaindre de situations vécues, de réponses qu’on leur fait, d’articles lus, etc. Crois-moi, personne ne fait ça de gaieté de cœur. Seulement, quand on est sensibilisé au problème du sexisme, on a la fâcheuse tendance à le voir partout. Et tu sais particulièrement combien il est difficile de laisser couler des injustices qui sont sous notre nez.

La pilule rouge

Le fait est que ton article dénonce. Et qu’est-ce qu’il dénonce ? Le comportement de certain·e·s féministes. Ce qui est intéressant (et ce qui découle également de la discussion eue plus tôt avec deux autres hacktivistes), c’est justement le sens de cette dénonciation. Pierre, Élodie ou toi, vous êtes évidemment contre le sexisme. Dans les deux sens, je suis d’accord. Et quand vous écrivez sur le sujet, c’est immanquablement pour… taper sur des féministes. C’est révélateur, tu ne trouves pas ? N’aurait-il pas été plus utile, efficace ou que sais-je de dénoncer le sexisme concrètement ? Par exemple, dans ton billet, tu évoques des agressions que tu as subies, et que tu prends avec légèreté. Chacun réagit à sa façon à ce genre d’actes, et je n’ai rien à redire à la façon dont tu le prends. Contrairement à ce que l’on peut croire, je ne considère en aucun cas qu’être victime d’agression doit marquer à vie et nous forcer à vivre dans la honte et la culpabilité. Par contre, notre culture joue un rôle important là-dedans, dans le fait que pour toi ça n’ait pas été très grave. Car beaucoup de femmes prennent ce genre d’acte bien moins légèrement que toi. Peut-être que leur fréquence y est pour quelque chose ? Je soupçonne que oui, mais je n’en ai pas la preuve. Par contre, ce qui est avéré, c’est la culture du viol. Le fait que les jeunes filles, dès la puberté, apprennent à avoir peur, à redouter les agressions sexuelles. Agressions qui arrivent d’ailleurs en très grande majorité dans le cercle privé ou familial, mais c’est un autre sujet. Tu ne peux ignorer qu’on conseille aux femmes de ne pas sortir seules le soir, de faire attention à elles, etc. Face à ça, comprends-tu la gêne, la peur, quand un quelconque gentleman aborde une femme, qui n’a rien demandé, dans un espace qu’elle considère culturellement comme dangereux ? Sachant également que ce qu’on leur apprend à craindre est considéré comme banal, ne serait-ce qu’au moment de porter plainte si l’on en a le courage (difficile de porter plainte contre un membre de sa famille, surtout lorsque c’est sur nous que sera jetée la honte dans la majorité des cas…). Vois-tu où je veux en venir, et pourquoi ton ressenti face à des agressions (qui sont condamnables avec la même fermeté que si tu avais été une femme, fût-il utile de le préciser) est forcément différent de celui d’une femme ?

On me reproche, face à ça, de considérer les femmes comme des victimes en puissance. Ce n’est pas vrai. Les femmes sont ciblées par des actes sexistes à différentes échelles. Elles les subissent. Mais pourquoi une agression devrait-elle entraîner la honte ou peur de sa cible ? Encore une fois, toute cette discussion part de personnes qui ouvrent trop leur gueule. Qui n’ont justement pas du tout une posture de victime, mais au contraire, décident de ne plus se laisser faire, qu’il s’agisse de se défendre d’une agression physique ou de protester contre un geste commun de la vie quotidienne, mais qui participe à la société patriarcale. Car, quand on choisit la pilule rouge, qu’on accepte de remettre en cause notre culture, notre société, et, au fond, nous, on voit l’envers du décor, la matrice. On voit à quel point le sexisme est partout, et on perd facilement les pédales. C’est tout simplement ce qui arrive lorsque quelqu’un comme moi se met à réagir au quart de tour sur twitter. On pense constamment « Mais comment ne peuvent-ils pas voir ces injustices ? ». Je me trompe peut-être à ce sujet, mais je vous vois (vous, qui écrivez pour dénoncer l’attitude ou les propos de féministes énervé·e·s) comme des personnes, non pas ayant choisi la pilule bleue, mais surtout qui n’ont pas été confrontées à ce choix. Imaginez le film Matrix si, au lieu de latter des vilains en costard et lunettes noires, les héros avaient pour but d’expliquer à la population qu’ils sont dans la matrice… J’aime à penser que ça donnerait des situations similaires à ce que nous vivons. Ceci dit, dans mon analogie, le camp des héros est clairement défini, et il s’agit comme par hasard de celui que je m’attribue. J’aimerais beaucoup connaître votre avis là-dessus.

Quoi qu’il en soit, une fois la pilule rouge avalée, on commence à remettre en question notre environnement. Lors d’un débat, on s’aperçoit que la seule femme présente n’arrive pas à en placer une ou à se faire écouter. On remarque également les remarques, davantage tournées vers son apparence que vers ses idées. On tend un peu plus l’oreille quand on entend une femme se plaindre du comportement des gens dans la rue (et pas seulement des hommes). Parfois, et c’est plus difficile, on se prend soi-même à lâcher une parole qui autrefois n’aurait pas posé problème, mais qui aujourd’hui sonne faux, parce que vous remarquez qu’elle est discriminante et gratuite. Ça peut être quelque chose d’aussi insignifiant en apparence que le fait d’user de « Mademoiselle » pour s’adresser à une jeune femme, ou bien un glacial « t’as vu comment tu t’es habillée, aussi ? » à une femme qui raconte comment elle a failli être violée quelques instants plus tôt. Je comprends que cela provoque un agacement : on déterre toutes ces petites choses qui composent notre vie de tous les jours, toutes ces choses acquises, avec lesquelles on vit. Et remettre en question sa culture est une chose quand on a choisi d’ouvrir les yeux, mais se le prendre en pleine gueule alors qu’on ne s’en soucie pas peut effectivement mettre très mal à l’aise, et occasionner le l’agressivité en signe de défense.

C’est ce qui arrive lorsque que l’on dénonce le sexisme dans la société, mais c’est exactement pareil dans les communautés, comme les geeks. À la différence près que, quand on s’identifie comme geek, on s’attache à cette culture. Et inévitablement, on tombe dans le communautarisme. Que ce soit pour le milieu geek ou les autres. La réponse hautaine qu’on va tenir à un nouveau qui demande des conseils candides (et parfois un peu idiots) dans notre domaine d’expertise, c’est du communautarisme. On a notre communauté, et on veut naturellement s’assurer qu’on n’y entre pas n’importe comment, car c’est un espace familier. Quand on tape parfois brutalement sur Tris quand elle parle de sécu, quand bien même c’est argumenté, c’est du communautarisme, et je reconnais en faire moi-même. Voyez, je reconnais reproduire le problème, et j’en suis conscient. Et pourtant, je continue à lui dire ce que je pense, ce qui est rarement glorieux. Ridicule, vous ne trouvez pas ? D’ailleurs, je ne passe pas à côté du sexisme très installé dans certaines œuvres, comme la série Game of Thrones. Et pourtant, je l’aprécie. Parfois, le fait d’avoir cette analyse inconsciente des constructions genrées dans la fiction gâche le plaisir de la découverte. C’est comme ça, c’est ça le revers de la pilule rouge. On voit le monde encore plus sombre qu’avant. Mais on sait qu’on a alors les clés en main pour changer ça à notre échelle, en commençant par moins reproduire ces schémas. « Moins », et pas « plus », car la tâche est monumentale, et la seule façon de refuser du jour au lendemain toute forme de sexisme serait de couper tout lien avec la société, et de subir un lavage de cerveau. Ce qui ne serait pas très efficace. Alors on accepte de vivre dans ce monde sexiste, on continue d’aprécier des œuvres, même si elles se montrent sexistes. Il faut savoir faire des compromis, et connaître les limites de son militantisme.

Revenons au sujet

Dans ton article, Jérôme, tu persistes à expliquer en quoi tu réfutes le terme de féminisme pour parler d’égalité. Je suis égalitariste, tu le sais. Je ne souhaite pas inverser les privilèges, je souhaite que femmes et hommes soient au même niveau social, aient les même chances par défaut dans la vie.

Mais.

Être pour l’égalité sans aller plus loin, c’est une bien belle déclaration, qui n’a d’égale à son ardeur que son inutilité. C’est une déclaration de principe, rien de plus. Parce qu’il est impossible d’évoquer l’égalité hommes-femmes sans évoquer le patriarcat. Or, je te n’ai jamais vu ne serait-ce qu’employer ce mot. Sais-tu seulement ce qu’il signifie ? Il signifie que la société dans laquelle on vit a été pensée par et pour des hommes, et que les femmes y sont réduites à l’état de ressource. Évidemment, la société a évolué, et la place des femmes avec elle. Reste qu’historiquement, la domination était très claire : les hommes gouvernaient, et les femmes obéissaient. Aujourd’hui, est-ce différent ? « On n’est plus dans les années 50 », mais on n’est pas encore dans les années 10 000. Autrement dit, il y a beaucoup de chemin. Des exemples ? Le plafond de verre, qui symbolise l’extrême difficulté qu’ont les femmes à atteindre les postes à responsabilités. Ou l’inégalité salariale, ou encore la culture du viol, conçue pour culpabiliser les victimes et souvent d’excuser les auteurs. Ou encore la banalité que représente l’abordage d’une femme dans la rue, qui n’a rien demandé. Le patriarcat enseigne qu’on le peut, et qu’une femme doit se faire belle pour plaire aux hommes.

Le patriarcat, c’est une composante majeure de notre société. Il est normal que ça couine un peu quand on tape dessus. En tout cas, si tu souhaites lutter pour l’égalité, il y a une chose importante à faire. Et difficile. C’est le choix de la pilule, dont je parlais plus haut. Admettre l’existence du partiarcat, pour commencer (c’est pas si évident). Et surtout, admettre qu’en tant qu’homme, tu es naturellement privilégié. Ce n’est pas une honte, une critique ou quoi que ce soit. D’ailleurs tu n’y peux rien, tu n’as pas choisi ton genre. Mais c’est un fait, tu fais partie de la « caste » mise en avant par le patriarcat. Il y a fort à parier que l’immense majorité des gens qui liront ce billet sont privilégiés, d’une façon ou d’une autre. Toi, Pierre et moi, nous sommes des hommes blancs hétérosexuels cis (c’est à dire qui vivons notre genre assigné à la naissance). Cela fait 4 raisons d’être privilégiés. Nous sommes réellement quasiment au sommet de la pyramide sociale des discriminations. Ce sont les femmes qui sont victimes du patriarcat. Ce sont tous ceux dont la couleur de peau n’est pas celle des anciens conquérants européens qui sont victimes du racisme. Ce sont les homosexuel·le·s, bis, transgenres et queers qui sont victimes d’homophobie ou de transphobie. Pas nous. Je le répète, ce n’est pas un jugement, mais un constat. En admettant ses privilèges, on accepte de faire partie du problème. À ce moment, ça ne devient plus « des râleuses qui nous emmerdent avec leurs problèmes dont on n’a rien à faire ». On sait qu’on en est aussi, qu’on participe à ça. Après, on est libre de changer nos habitudes. D’accepter, non pas de renoncer à ces privilèges, mais de travailler à les partager. Ce n’est bien sûr pas un acte individuel, et je ne peux pas dire « tiens, prends ma place d’homme aux yeux de la société ». Pas par faute d’envie, mais parce que changer mon regard n’est qu’une pierre à l’édifice. Pour que ça ait un impact, il faut naturellement qu’une masse critique ait conscience de ce problème, et fasse un effort pour y remédier. Cette masse critique, c’est vous et moi, pas « les vilains misogynes ». Admettre ça, c’est lutter pour l’égalité des genres. C’est être féministe.

Et toi, Jérôme, qui es pour l’égalité, t’es-tu remis en question ? Ou te contentes-tu de taper sur celles et ceux qui s’efforcent de sensibiliser les autres ? Au contraire, ai-je envie de dire. Car quand tu dénonces le fait que le dossier de Mar_Lard pointe du doigt « les geeks », il est clair que tu te sens vexé, car on sous-entend que ta précieuse communauté pourrait avoir un problème, pire, que tu pourrais en faire partie. Non content d’être du communautarisme bien idiot, il s’agit d’un rejet pur et dur du problème. Tu préfères penser que le sexisme, bien sûr que ça existe, mais ce sont « les autres ». Pas de ça autour de toi, sinon tu l’aurais vu, n’est-ce pas ? Et si c’était le simple fait de ne pas le remarquer qui te mettait mal à l’aise ? Tu sais, depuis le (faible) temps que je milite pour l’égalité, j’ai fini par repérer les patterns courants de ceux qui tapent sur le féminisme, mais qui sont d’accord sur le principe, hein, mais… Mais faut pas crier aussi fort, mais faut pas généraliser sur les geeks, y’en a des biens… Et là, je ne te fais que les réponses construites. Parce que dans leur immense majorité, les réactions sont purement haineuses. As-tu jeté un œil sur les commentaires du moindre article rédigé par Mar_Lard ? Toi qui parles d’égalité, et de ses billets, n’as-tu pas trouvé pertinent, même si tu souhaitais critiquer intelligemment, de signaler cet état de fait ? D’ailleurs, qu’en penses-tu, toi qui, sans le vouloir, participes à la levée de boucliers qui suit inévitablement ce pavé dans la mare ?

Non pas que le dossier dont il est question ne soit pas critiquable. Au contraire. Il s’agit du travail personnel de quelqu’un de passionnée par le sujet, et dont ce n’est pas le métier. Ça se ressent, évidemment. Mais on va lui reprocher de ne pas parler de quelque chose, d’avoir un ton incorrect. Tout est prétexte à critiquer son texte. Ça a quelque chose de malsain, et je dois dire que je t’en veux de ne pas avoir vu plus loin que ça.

Finalement, tu as raison, tas de pixels. C’est bien une question de binaire. La pilule rouge ou bleue. La reconnaissance du problème ou son déni.

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