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Philippe Scoffoni : Faut-il expliquer les logiciels libres aux entreprises ?

lundi 2 novembre 2015 à 20:56

Venant de ma part la question peut sembler surprenante. Je ne suis pas un acteur neutre ou objectif. Cependant, il me semble être capable de faire la part des choses et ne pas tomber trop souvent dans un prosélytisme extrême.

J’aime à penser qu’il y a de nombreuses raisons pour lesquels il est indispensable d’éduquer les entreprises au logiciel libre.

La première est liée à la spécificité des modèles économiques du logiciel libre. Vous trouverez en fouillant sur ce site pas mal de choses sur le sujet. Je ne vais pas me lancer ici dans une explication de ces derniers. Expliquer aux entreprises ces modèles doit leur permettre de mieux comprendre ce que de nombreux prestataires de services leur proposent de mettre en place aujourd’hui. Confier son informatique à un logiciel écrit par un unique développeur dans un garage ou par une entreprise ou encore une association ou fondation, n’est pas sans implication.

Cette spécificité a aussi des implications sur les exigences que les entreprises doivent avoir vis-à-vis des prestations qui leur sont proposées et de la façon dont elles sont réalisées. Elles doivent par exemple exiger que les améliorations, modifications ou corrections apportées à un logiciel libre soient proposées à la communauté qui le porte.

Elles doivent s’assurer que les modifications apportées à un logiciel libre ne les mettent pas dans l’impossibilité de changer de version sans avoir à faire reporter les modifications sur la version suivante.

Les entreprises doivent savoir faire la différence entre un logiciel libre proposé avec une souscription liée ouvrant droit à un support et un logiciel open source dont on leur vend le droit d’utiliser la version entreprise.

Je pourrais multiplier les exemples.

La responsabilité de cette éducation incombe-t-elle aux seuls acteurs du logiciel libre et l’open source ?

Les acteurs tels que les Chambre de Commerce et d’Industrie, chambres des métiers, syndicats patronaux, etc. ont-ils une responsabilité et un devoir d’éducation sur cette thématique auprès des entreprises ?

À Lyon la réponse à cette dernière question semble être non. Pour preuve, le récent rejet d’un partenariat entre l’association Ploss Rhône-Alpes Auvergne qui regroupe des entreprises du numérique libre et l’événement GoNumérique Lyon prévu en 2016 à destination des TPE/PME. Cet événement est organisé par la CCI de Lyon et l’Espace Numérique Entreprise. Deux institutions dont le rôle est d’accompagner les entreprises et de les aider à y voir plus clair sur de nombreux aspects dont notamment les solutions informatiques.

La raison du refus est la suivante : cet événement doit parler « applications » plutôt que « techniques et solutions ».

J’exprime ici mon opinion personnelle bien que ma société soit membre du Ploss RA. Je ne m’exprime en aucun cas au nom du Ploss RA qui communiquera sur le sujet si ses membres le juge pertinent.

La raison invoquée est dans la lignée du « ni pour ni contre » que l’on rencontre bien souvent chez les détracteurs du logiciel libre et de l’open source. Il s’agit d’ignorer les spécificités de ce modèle de développement tout en se gardant de le rejeter ouvertement pour ne rester que sur les « fonctionnalités ».

L’objectif premier d’un logiciel est de répondre aux besoins. Mais ensuite lorsqu’il s’agit de choisir qui plus est entre un logiciel propriétaire et un logiciel libre, il est important que l’entreprise soit éduquée à ce que sont les logiciels libres. Vous me direz que c’est le rôle du prestataire de le faire. C’est vrai et je suis bien placé pour savoir que c’est un rôle important.

Cependant tous les prestataires ne sont pas égaux dans leur capacité à expliquer ce modèle et surtout pas toujours (souvent ?) clairs dans leur motivation à promouvoir une solution à base de logiciel libre.

Le logiciel libre est souvent victime de prestataires opportunistes qui ne voient dans ce dernier qu’un levier de ventes supplémentaires. Des logiciels libres sont alors installés par des équipes qui n’ont pas réellement de compétences, sont mal configurés et les utilisateurs mal assistés. Au final, c’est « que voulez-vous monsieur le client c’est du logiciel libre… ».

Des histoires comme cela je pense que les vrais professionnels du libre et de l’open source en ont des tonnes à raconter. Mais au final au-delà de porter préjudice à ce modèle ceux qui en pâtissent ce sont les entreprises.

Celles-là mêmes que sont censés accompagner et aider les organismes cités plus haut. Je leur reproche clairement de ne pas faire leur travail de conseil et d’accompagnement. Et cela n’a aucun rapport avec une simple volonté de mis en avant de mon business personnel ou de simple corporatisme. Les associations de professionnels du logiciel libre et de l’open source fédérés par leurs associations régionales ont pour mission d’éduquer leurs futurs clients à leurs spécificités. Refuser de travailler avec eux revient à refuser de travailler avec ceux « qui savent ».

Il est également évident qu’en échange de ce travail « gratuit » d’éducation, elles espèrent intéresser les entreprises à leurs solutions, car il faut bien payer les pizzas. Ce biais rend-il ces associations de professionnels infréquentables ? J’en doute. Il y a mille façons de définir un partenariat gagnant-gagnant.

Il n’y a pas d’expertise identifiable aujourd’hui sur ces sujets chez les acteurs institutionnels lyonnais, c’est regrettable. Pas de commission open source ou logiciel libre visible, tout au plus des fiches mal rédigées et incomplètes pointées du doigt par le passé.

Passons aussi sur des comportements qui relèvent plus de la cour d’école qu’autre chose (c’est une copie d’écran du compte Twitter du Ploss RA qui suit), mais qui en dit long sur l’état d’esprit qui règne aujourd’hui.

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Il s’agirait d’argent privé, je n’aurais rien à redire. Mais c’est ici de l’argent public, l’argent de mes impôts. Je tiens donc à ce qu’il soit utilisé de façon correcte. Et ce que je vois dans le cas présent, mais qui n’est que la partie émergée de l’iceberg, n’est guère réjouissant pour ma région.

Cette semaine encore, je recevais un appel d’une personne d’une CCI du nord de la France. Nous devons reprendre contact à la rentrée, car elle juge utile d’expliquer les logiciels libres aux entreprises de sa région. Faut-il donc traverser la moitié de la France pour pouvoir faire ce travail d’explication comme je l’ai fait avec la CCI de l’Oise lors de la journée Liberté Numérique ?

Pourquoi ce qui semble normal ailleurs est ici rejeté ? Autant de questions qui restent sans réponses. Il n’est pas dans mes habitudes de « balancer » de la sorte. Mais il arrive parfois un moment où il n’y a plus d’autres solutions. Vous avez les commentaires pour exprimer de façon constructive votre opinion sur le sujet.

Je reste disponible pour venir expliquer à qui le voudra les tenants et les aboutissants des logiciels libres aux entreprises pour autant qu’on me le demande. Je suis par contre dans la position de celui qui lorsqu’il donne du temps, ne peut plus l’utiliser pour gagner sa vie. Je n’ai pas de vente de licence pour me constituer une rente de revenus. Cela aussi il faut être capable de le comprendre pour comprendre le logiciel libre et ses acteurs.

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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 02/11/2015. | Lien direct vers cet article

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