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Philippe Scoffoni : Communautés, Logiciels libres et “Time to Market”

mardi 30 avril 2013 à 08:13

communauteOn reproche souvent au logiciel libre de n’être qu’un « suiveur ». Autrement dit de ne faire que copier et tenter de remplacer les logiciels propriétaires sans pour autant innover. Si le constat n’est pas totalement faux, on peut également s’interroger si le développement communautaire des bénévoles se prête bien aux impératifs du « Time to Market ». Quant aux communautés “professionnelles”, leur finalité est-elle vraiment la liberté des utilisateurs ? Une troisième voie peut-elle exister ?

Time to Market ou être prêt au bon moment

Cette expression anglo-saxonne est utilisée pour exprimer le délai nécessaire pour le développement et la mise au point d’un projet ou d’un produit, avant qu’il puisse être lancé sur le marché. Cette durée dans le domaine des technologies de l’information est souvent décisive. C’est elle qui sépare les leaders de ceux qui ne seront que des suiveurs.

Rapportée au logiciel libre, et plus précisément à celui porté par les amateurs, bénévoles, geeks et autres bidouilleurs éclairés, cette notion a bien peu de sens. Dans un monde où les logiciels sortent « quand ils sont prêts » à l’image de la distribution communautaire Debian, les contraintes entrepreneuriales reçoivent peu d’échos.

Pourtant que l’on veuille gagner de l’argent ou faire d’un logiciel libre un leader dans son domaine se pose le problème de disposer du logiciel au bon moment. La réponse semble simple, payer des développeurs pour fiabiliser le développement des logiciels libres.

Communautés industrielles et logiciels libres

Les éditeurs de logiciels libres ont apporté une première réponse. Ils ont permis l’émergence d’un grand nombre de solutions répondant à des besoins non satisfaits par les logiciels libres existants. Sans eux, probablement que le logiciel libre n’aurait pas pu autant franchir les portes des entreprises et acquérir dans certains domaines la crédibilité qui est sienne aujourd’hui. Mais souvent ces éditeurs ont été amenés à forker, refaire des pans entiers de leur logiciel sans s’appuyer sur les éléments communautaires par essence “trop peu contrôlables”.

La contre-mesure pour les professionnels du logiciel libre fut alors de s’unir, de mutualiser leur Recherche et Développement . Ainsi naissent les communautés dites “industrielles” de logiciels libres ou devrais-je dire open source. Ce sont par exemple les Fondations Apache, Linux ou encore OpenStack. Mais souvent leurs travaux n’ont pas pour objectif de fournir un outil “utilisable” sans passer par eux. Ces entreprises veulent rester incontournables. Il s’agit juste de partager du code, pas de libérer l’utilisateur ou plus exactement, le client.

Un troisième modèle communautaire ?

Nous avons donc deux modèles qui l’un est incompatible avec les exigences du marché et l’autre qui ne vise qu’à mieux le contrôler, le maîtriser et à optimiser les marges financières.  Pourtant le modèle communautaire est le seul modèle apte à garantir une « vraie » liberté pour les utilisateurs, en garantissant que le logiciel n’appartiendra jamais à personne.

The Document Foundation porte la suite bureautique LibreOffice. Une fondation naît des turpitudes et aléas qui sont parfois (souvent ?) le lot des logiciels portés par une entreprise. Il n’y a pas de développeurs employés directement par la fondation. Ce qui la classe plutôt dans le domaine des communautés industrielles malgré la présence d’une communauté de bénévoles (en reste-t-il dans les développeurs ?). La principale différence avec les fondations précédentes réside dans le logiciel produit qui s’adresse à tous : entreprises, collectivités, associations, mais aussi grand public.

Il existe cependant un troisième modèle communautaire représenté par Mozilla. Il semble avoir réussi à créer les conditions d’un modèle communautaire non industriel, potentiellement efficace et capable de se positionner sur un secteur pour le conquérir. Mozilla n’est pas piloté par un groupement d’entreprises, c’est un organisme indépendant avec sa propre gouvernance et ses propres développeurs pour faire avancer ses produits selon une approche en phase avec les exigences du “marché”.

C’est ce type de modèle que j’aimerais voir se développer pour le logiciel libre. Un modèle qui laisse la place aux entreprises pour vendre leurs services et contribuer tout en permettant à des bénévoles de participer sans être exploités. Un modèle qui porte et favorise le développement de logiciels vraiment libres, innovants, prêts pour le marché et surtout dont le caractère d’intérêt général ne saurait être remis en cause.

C’est tout l’enjeu d’un projet comme Meza|Lab. Mais un enjeu qui reste mal compris et souvent mal accepté. Elle impose des ruptures dans les façons de faire des communautés de logiciel libre « traditionnelles » et “industrielles”. Si vous voulez comprendre et discuter de ces enjeux, la porte est toujours ouverte , il suffit de la pousser.


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Article original écrit par Philippe Scoffoni le 30/04/2013. | Lien direct vers cet article

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