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Miamondo : Billy-Berclau, une mairie libre!

lundi 25 décembre 2017 à 22:35

Rappelez-vous, en juillet 2014 on découvrait un article, dans le n° 84 de Linux Pratique, qui relatait l’expérience de cette commune quant au déploiement progressif de Linux au sein de la Mairie et de ses bâtiments communaux.

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Bandeau supérieur du site de la mairie propulsé par Joomla

Cette petite ville d’un peu moins de 5000 habitants est située dans le canton de Béthune (Pas de Calais) tout en haut de la carte de France et, depuis des années, Yann Lagadec (le responsable informatique de la Mairie) et son équipe ne ménagent pas leurs efforts pour prouver qu’il existe des alternatives à un « tout Microsoft » et que cela fait du bien à sa ville et à ses administrés !

Mais depuis 2014, que s’est-il passé, ont-ils tenu bon, ont-ils réussi leur pari ?

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La mairie de Billy-Berclau (image Wikipedia / Billy-Berclau)

(interview réalisée en novembre 2017 par LeCastillan)

Le logiciel libre est présent au quotidien dans le SI depuis plus de 10 ans maintenant et la majorité des clients ont migré sous GNU/Debian depuis 3 ans. Les efforts consentis et le soutien de la direction (politique et fonctionnelle) ont porté leurs fruits. Nous sommes rentrés dans une phase de maturité.

C’est en ces quelques lignes que Yann Lagadec résume son aventure et qui sous-entend que tout se passe bien dans le sens où Linux est toujours bien présent au cœur du système d’information de cette charmante petite ville du nord et que la Mairie délivre à ses utilisateurs et à ses administrés des services de qualité. Cerise sur le gâteau : à des coûts raisonnables et bien maîtrisés !

Grâce à un entretien que j’ai eu avec Yann Lagadec et son équipe, entrons un peu plus dans les entrailles de ce Système d’Information « libéré »…

Le Castillan : Alors Yann, concrètement, c’est quoi le S.I de Billy-Berclau ?

Yann Lagadec : Le service informatique de la mairie (3 personnes) gère un parc réparti sur 12 bâtiments (dont 10 interconnectés) et traitent les problématiques liées à l’informatique, les impressions et les télécoms. Le parc informatique se compose désormais d’un peu plus de 100 postes de travail dont 95% sont sous GNU/Linux (Debian Jessie / Cinnamon ou KDE) et une quinzaine de serveurs physiques sous Linux / Debian. Côté annuaire, OpenLDAP et FusionDirectory gèrent les utilisateurs. Les données sont centralisées sur des lecteurs réseaux par service et les ACLs sont peaufinés au besoin via des scripts Bash. L’ensemble de cette infrastructure est supervisé par Shinken et Cacti.

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Yann Lagadec : Côté réseau on trouvera du Shorewall et des outils Squid avec un accès à l’Internet constitué d’un agrégat de liaisons ADSL (les offres « fibre optique » professionnelles étant pour nous à un prix prohibitif) ! Ansible est aussi au menu pour aider à la configuration de ces matériels, au même titre que GLPI / FusionInventory / Gestsup pour la gestion du parc. Enfin, les sauvegardes sont exécutées via BackupPC et stockées dans différents sites de la commune.

Yann Lagadec : Pour la bureautique, c’est LibreOffice qui répond à ce besoin (traitement de texte, tableur, présentations…), complétés au besoin par d’autres logiciels métiers (Scribus par exemple pour les publications municipales). Côté collaboratif et messagerie, c’est Zimbra dans sa version communautaire qui a été retenue ainsi que Redmine pour la gestion de projet.

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Yann Lagadec : Enfin, et pour finir le tableau, la ville utilise WordPress ou Joomla (Site de la mairie de Billy-Berclau) pour ses projets web. Le service informatique va se former prochainement à l’utilisation de Seblod (de la Société Octopoos) pour répondre à ses besoins de développement plus spécifiques. La solution Noethys est utilisée pour gérer les activités loisirs, crèches, garderies, périscolaires et cantines de la commune.

Le Castillan : Quels sont les autres avantages d’un système comme GNU/Linux ?

Yann Lagadec : L’utilisation de Linux a un impact très fort sur l’ensemble du parc informatique de notre commune. GNU/Linux nous permet de déployer un environnement ultra-personnalisé en fonction des profils utilisateurs sur des configurations moyennes et donc attractives financièrement (entre 400 et 500 € HT avec des garanties sur 5 ans à j+1). Le tout nous permet de posséder un parc à prix ultra compétitif surtout en tenant compte du non achat de licences propriétaires (systèmes d’exploitation ou suites logicielles).

Côté serveurs, le gain est encore plus appréciable car nous utilisons de « simples » serveurs assemblées à la carte pour un prix ne dépassant pas les 1000€ HT avec garantie, là où les serveurs des grands constructeurs, équipés de Windows, se négocient à plusieurs milliers d’euros… On conserve nos machines plus longtemps : globalement avec un premier cycle de 5 ans pour un usage « standard » puis réorientation vers des utilisations moins régulières ou moins consommatrices de ressources matérielles (utilisation dans les écoles en complément des solutions déployées, bornes d’affichage dynamique, …). Ce qui serait impensable avec d’autres systèmes d’exploitation ! Le besoin d’assistance est enfin beaucoup moins important … les utilisateurs n’étant plus administrateur local 🙂

Le Castillan : WAOUHHH ! Sur le papier tout cela à l’air fantastique mais, en réalité, est-ce si simple que cela ?

Yann Lagadec : Notre modèle a prouvé sa fiabilité technique tout en étant nettement moins onéreux qu’auparavant et les économies que l’on dégage (plusieurs dizaines de milliers d’euros par an) nous permettent de déployer au besoin de nouveaux services. Donc la réponse à votre question est franchement OUI, cela se passe vraiment bien et ce, même si on fait face à quelques écueils de temps en temps…

Le Castillan : Des écueils ?

Yann Lagadec : Oui, forcément… Ces écueils sont à plusieurs niveaux :
au niveau de nos partenaires publiques où les références restent propriétaires (même si les standards ouverts progressent) dans notre mode de fonctionnement (réalisation en interne dès que possible et contrôle total) là où les petites et moyennes villes sous-traitent quasiment systématiquement. On est marginal. Les réponses techniques à nos demandes sont par exemple souvent exotiques et nous poussent à nous approprier toute la chaîne de travail.

Dans l’intégration de solutions vendues comme pleinement compatibles pour au final être du « full web packagé Windows » au niveau de nos moyens qui ne nous permettent pas toujours de tester convenablement les solutions à déployer. La mise en production est souvent le vrai test grandeur nature mais nous permet de garder un ratio productif
au niveau des périphériques tels les copieurs multi-fonctions qui nous donnent parfois du fil à retorde quand il s’agit d’utiliser des fonctions avancées (agrafages, impressions en livret…) fonctions qui ne sont pas toujours correctement prises en charge par les drivers Linux.

Le Castillan : Mais alors vous allez vous arrêter là ?

Yann Lagadec : On s’est lancé dernièrement dans le développement …

Le Castillan : Comment ça et pourquoi faire ?

Yann Lagadec : Outre la personnalisation des outils en place, notre première grosse implication s’est faite avec le renouvellement de notre application métier « petite enfance ». Nous avons fait le choix pour x raisons de Noethys et nous avons accompagné le développeur principal du projet sur le développement du portail famille et le paiement via TIPI.

Nous travaillons également à la mise en place d’un tableau de bord pour les chefs de service dans le prolongement d’un développement réalisé il y a quelques années pour gérer nos bons de commande. Nous avions besoin d’une solution qui permette aux chefs de service d’avoir une meilleure visibilité sur leurs budgets / dépenses / marchés et nous n’avons pas trouvé de logiciel répondant à notre cahier des charges : trop spécifique, trop chère, avec une vision trop comptable, … On a donc proposé à des écoles de la région de se pencher sur le sujet  : pour des résultats mitigés. Du coup, et grâce aux économies que l’on réalise, on s’est rapproché d’un étudiant de l’Epitech (devenu auto-entrepreneur pour payer ses études) et on a entamé ce projet avec lui en utilisant le framework PHP Symfony et le SGBDR MySQL. C’est la première fois qu’on se lance véritablement dans le développement d’applications de A à Z !

Le Castillan : Eh bien je vous souhaite une grande réussite dans ce projet… Il ne faudra pas oublier de partager vos travaux avec la communauté au cas où votre outil serait utile à d’autres mairies !

Yann Lagadec : Cela serait pour nous contre nature de faire autrement 🙂

Le Castillan : Est-ce que la Mairie promeut, auprès de ses agents, des élus et des habitants de la commune, l’utilisation des logiciels libres ?

Yann Lagadec : Oui, il y a eu des campagnes d’affichages au début du projet mais nous « militons » moins désormais  : l’évangélisation des débuts est moins nécessaire (et serait même contre productive maintenant par certains aspects) en tout cas dans la gestion intra-muros de la collectivité.

Du côté des habitants, j’ai été président d’un LUG (Linux User Group – Club d’utilisateurs de Linux) nommé Artux pendant quelques années mais j’ai moins de temps désormais. La promotion du Libre reste néanmoins présente, nous avons été parmi les premiers à organiser des JoomGroupes au nord de Paris (https://www.joomla.fr/actualites/evenements-francophones/item/1153-joomla-dans-la-region-nord-pas-de-calais). Puis, plus généralement, on profite des événements ou des actualités locales pour promouvoir GNU/Linux et les logiciels libres dès que possible.

Le Castillan : Voilà encore de belles initiatives ! Comment peut-on conclure cette interview ?

Yann Lagadec : Un SI majoritairement libre est possible dans les collectivités publiques. Les gains financiers sont loin d’être négligeables et nos contributions vont aussi – à mon sens – vers un cercle vertueux d’utilisation des deniers publics. On reste très intéressé pour échanger sur des déploiements d’écosystème ou d’expérience similaires (partiel ou total). Dans ce sens, et afin de continuer notre veille technologique, on va se présenter pour obtenir le label « Territoire Numérique Libre » pour 2017, il s’agit d’une initiative de l’ADULLACT soutenue par plusieurs associations et acteurs du logiciel libre (AFUL, APRIL, DINSIC, Pôle Aquinetic, Paris Open Source Summit…).

Le Castillan : Merci à vous et à votre équipe pour cette interview et encore bravo pour le projet qui prouve, une fois de plus, que des alternatives existent face aux outils propriétaires qui nous réduisent parfois à de simples gestionnaires de licences, alors que l’on aurait tellement envie de construire quelque chose, comme vous l’avez fait !


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