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Kiddo : Prenez garde aux tabloïdes de l’open-source

lundi 18 février 2013 à 00:15

En tant que contributeur à divers logiciels libres, j’en ai marre de voir comment ils sont traités dans la « presse » en ligne. J’ai procrastiné un mois sur la publication de ce billet: le rédiger me prend déjà toute ma motivation pour combattre le sentiment de DonQuichottude par rapport au phénomène, surtout lorsque je crains d’être fustigé pour ce qui pourrait être perçu comme une attaque personnelle envers les sites de nouvelles que je vais citer plus bas.

Image de Chandler Reed, citation d’un livre que vous connaissez sûrement

Au-delà de l’Internet

Pour commencer, je n’ai jamais eu confiance envers le pouvoir médiatique. De ce que j’avais pu conclure du visionnement de Manufacturing Consent: Noam Chomsky and the Media, ainsi que mes réflexions dans mon parcours scolaire, j’étais à la base vacciné. Le tout m’a été confirmé comme étant un phénomène bien réel au printemps 2011, lorsque j’ai vu des choses capitales être sciemment auto-censurées par Radio-Canada et toute la presse francophone québécoise. Par son écrasant pouvoir, le système médiatique a alors réussi à renverser le gouvernement en place, sur une histoire que les journalistes savaient fausse (« mais on s’en fout, ça fait notre affaire, si je vais à contre-courant je vais me faire crucifier sur place de toutes façons »).

Tout ça pour dire que je prends tout ce qu’on me dit avec une grande dose de scepticisme et de questionnement. Ce qui compte n’est pas ce qu’on me dit, mais comment on me le dit ou ce qu’on ne me dit pas. Assez contextualisé maintenant, amorçons le sujet du jour.

Les tabloïdes du libre

Je croise parfois des gens qui jurent par certains sites de nouvelles pourtant reconnus parmi les cercles des « faiseurs » (de logiciels) comme étant des tabloïdes, c’est-à-dire de « presse à sensation », de la presse boulevardière, de la fiction pulpeuse. Étant donné l’immense pouvoir d’influence que détiennent ces sites, leur rôle semble donc osciller entre « alliés » et « épines dans le pied ».

Avec une déconcertante régularité ils se fourvoient, créent de fausses rumeurs, discréditent certains projets libres et font l’éloge de certains logiciels propriétaires (tant qu’ils sont excitants et « shiny »).

Je cite ici les principaux coupables que j’observe régulièrement:

Il y en a sûrement plein d’autres dont vous pourrez me faire mention, mais pour l’instant j’aimerais simplement donner ceux-là en exemple.

Phoronix: le site où M. Larabel poste en moyenne 8 à 12 articles par jour (!), typiquement en s’auto-spammant de liens vers ses propres articles et en soumettant chaque controverse à Slashdot pour le plaisir des barbus qui ont une dent contre projet XYZ, la Free Software Foundation ou autre.

On me dira que l’intérêt principal de Phoronix, c’est ses bancs d’essais de matériel. En théorie, c’est effectivement intéressant d’avoir un site centré sur le matériel pour Linux. En pratique, cependant:

Bref, il y a fort à douter sur les mesures effectuées par la Phoronix Test Suite lors des bancs d’essai. Ce qui nous laisse alors la deuxième partie du site: les « actualités »… et là, c’est pas joli à voir. De mémoire récente:

OMG! Ubuntu: ne rentrons pas ici dans l’énumération exhaustive des nombreuses histoires à sensation et de « hype » autour de logiciels propriétaires ou n’existant même pas… observons simplement quelques perles récentes:

Effrayant et révoltant, n’est-ce pas? Sauf que le tout a été volontairement rédigé de cette façon pour amener le lectorat à bondir d’indignation. Parce que si on prend le temps de réfléchir à l’effet global de ces changements, et qu’on se donne la peine de suivre les liens vers les commits que OMG! Ubuntu citait… on se rend compte que tout ça est plein de bon sens dans l’ensemble:

…Le tout suivi d’articles indiquant que c’est tellement un désastre que Ubuntu pense à boycotter le nouveau Nautilus, si si ils y pensent vraiment.

Après ce genre de couverture médiatique « amicale », il y a eu du damage control obligé [1, 2] pour éviter un attentat à la bombe… Ce qui n’a pas empêché OMG! Ubuntu de continuer à jeter de l’huile sur le feu. Parce que la situation n’était pas déjà assez tendue.

Je vous épargne d’ailleurs un argumentaire assez long sur les principes d’échantillonnage et de validité statistique — principes que les sondages retrouvés sur les tabloïdes ci-haut ne peuvent fondamentalement pas respecter concernant des sujets controversés comme GNOME (le seul moyen serait d’avoir un échantillon véritablement aléatoire et représentatif aux allures d’un référendum planétaire).

Au final, puis-je vraiment les blâmer?

Les journalistes sont humains et ont essentiellement un travail de merde dans un monde de plus en plus frénétique.

Et là, je vous évite un bloc de texte immense, parce que quelqu’un a déjà fait tout le travail d’analyse de « pourquoi les journalistes se comportent comme ça!? » à ma place. C’est assez volumineux, mais allez voir cet article éventuellement: Cheap Tabloid Tricks: The Truth About Linux, Open Source And The Media.

La fin du monde annoncée sous diverses formes n’a pas eu lieu.

À en croire les sites de nouvelles, Nautilus 3.6 est un désastre, l’installateur (Anaconda) repensé de Fedora 18 est un désastre, et il y a une conspiration pour saboter nos logiciels favoris.

Pourtant, j’admire les améliorations et raffinements apportés à Nautilus 3.6 et je suis ravi du nouvel installateur de Fedora 18. Dans le cas de Nautilus 3.6, j’ai refusé de juger un logiciel par la mauvaise presse qu’on lui donnait et ai préféré donner la chance au coureur et l’essayer moi même, ce que OMG! Ubuntu ne s’est pas donné la peine de faire. Après un mois d’usage, je me sens plus à l’aise avec 3.6 et me sens irrité quand j’utilise la version 3.4. Clairement, je dois faire partie d’une minorité de mollusques fanatiques zélés qui accepte n’importe quoi. Je dois être fou.

Nautilus 3.6, le mangeur d’âmes nocturne

La lecture des commentaires est, vous le devinez, bien plus nocive que la lecture des articles: même quand un geek on ne peut plus conciliant se donne la peine d’expliquer pendant 55 minutes, de façon calme et raisonnable, les malentendus autour de projets controversés comme GNOME, la première chose que les gens vont faire sur Internet c’est de dire « De toutes façons c’est un connard, j’ai arrêté d’écouter à 7 minutes parce que ça me plaisait pas ». Tous des fascistes qui n’écoutent pas ce qu’on a à dire, ces développeurs!

Tout ça me fait présager que lorsque la prochaine version de Pitivi sortira (« un jour »), les commentateurs du net trouveront sûrement plein de choses pour dire que c’est un désastre. Même Joey de OMG! Ubuntu n’avait que ceci à dire lors de l’annonce de la dernière release d’Openshot: « Meh. » (traduction: « Bof/bah. »). Mais c’est pas grave, c’est l’Internet, personne ne sait que vous êtes un chien, et on s’en fout des sentiments des développeurs à l’autre bout, ils sont grands et costauds, ils s’en remettront!

Pour conclure

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