PROJET AUTOBLOG


Planet-Libre

source: Planet-Libre

⇐ retour index

Cyrille BORNE : Le chien et le chagrin

jeudi 27 juin 2013 à 11:39

Pendant la nuit, le chien pleure tellement fort que le chat descend de l'arbre et va le voir. Il s'assied à portée de patte du chien pour lui remonter le moral. Il lui glisse à l'oreille de se montrer fort, mais le chien ne comprend pas ce que ça veut dire, il ne l'écoute même pas d'ailleurs. Il continue de faire ce qu'il fait depuis le début de la nuit : pleurer. C'est plus fort que lui : cela se voit, cela s'entend. De temps à autre, il se redresse comme il peut, mais la corde le tire en arrière d'un coup sec et il se recroqueville de douleur. Quand il pleure, il tourne la tête vers le ciel. Il pleure en poussant des cris aigus à la lune, on pourrait croire que son maître habite là-haut. Son chagrin est tel que ça vous écorche les oreilles.

À la fin, le chat n'en peut plus. Alors que le chien se couche une énième fois pour reprendre son souffle, il se penche vers son oreille et lui dit d'une voix haute et claire :

— Arrête. je te dis de te montrer fort et toi, tu fais tout le contraire. Tu pleures, tu pleurniches, tu sanglotes comme si ta patte était prise dans un piège à loups. Tu ferais mieux de serrer les dents. Tu ferais mieux de tendre les muscles. Tu ferais mieux d'arracher la corde.

Le chien retient son souffle. Tout au fond de sa gorge, il sanglote encore, mais sur sa figure, on peut lire qu'il réfléchit à ce que le chat vient de lui dire. Il ouvre un œil et de cet œil regarde le chat.

— Arracher la corde ? dit-il.

— Oui, dit le chat.

— Comment ça, arracher la corde ?

Tire ! À la une, à la deux, à la trois, hop là !

Tout en disant cela, le chat est content de ne pas avoir les yeux posés sur la corde. Il a conscience qu'elle est très épaisse et que le nœud est bien serré autour du tronc. Il faudrait au moins cent chiens pour l'arracher. Néanmoins, il répète :

— À la une, à la deux, à la trois, hop là ! Voyons, t'es un chien ou t'es une souris ?

Chien ou souris ?

Les articles à propos d'Archlinux se suivent et, dans la foulée, les commentaires vont bon train. Ce qui n'est pas pour nous [Cyrille Borne et associés] déplaire. C'est bon pour les stats même si l'on s'en moque éperdument des stats. Ce n'est pas le nombre qui importe mais plutôt d'être lu, que ce que nous avons à dire trouve échos.

Dans les réactions suscitées par cette série (ouverte) d'articles consacrés à Archlinux, une chose me frappe particulièrement : la certitude que beaucoup manifestent sur leur niveau de maîtrise [sous-entendu : acquise par l'installation et l'administration d'une Arch] et la valeur non moins grande accordée à la documentation disponible… en anglais.

Dis-toi que maintenant tu peux installer n'importe quelle distrib[ution] (manque Gentoo en fait) et tu comprends le fonctionnement des autres.

dacrovinunghi.

Oui, il faut vraiment installer une Archlinux à partir de la documentation anglaise.

lann.

Quid de la documentation française ? — Certes, comme le rappelle Cep, elle a le mérite d'exister. Et, comme je l'ai dit également, il est bien de remercier les contributeurs pour ce partage. Soit. On pourrait s'en tenir là et tourner la page. Cependant, je crois qu'on peut mieux faire. Donner, comme je l'ai fait, quelques exemples de pièges tendus, certes involontairement mais des pièges tout de même, difficiles à éviter quand on n'est pas familier de la distribution, pointer, çà et là, ce qui peut gêner ou entraver, sinon l'installation, l'utilisation d'une distribution, n'est pas, en soi, une mauvaise chose, à l'exemple du dépôt "AUR" — qui est, quoi qu'on en dise, bel et bien un dépôt, comme son nom l'indique — donné dans mon article précédent. Si ?

Je garde un goût amer de mon dernier article que j'avais mâché et remâché avant de le publier. Amer, depuis le commentaire #9, celui de Fred qui m'apprend que j'ai entretenu une confusion, tout au long de mon article, sur le dépôt communautaire "AUR". J'en grimace encore.

Mais j'ai un peu de mal à en endosser l'entière responsabilité. Raison pour laquelle j'ai préféré ne pas modifier le corps de l'article mais plutôt ajouter une note : « Au moment de la rédaction de cet article, il n'y avait pas 48 heures que j'avais installé Arch. Je confonds allègrement le dépôt communautaire "AUR" et le dépôt communautaire [archlinuxfr]. Ce que Fred Bezies me précise dans le commentaire #9. Vous excuserez, certainement cette confusion mais… j'ai un peu de mal à en porter la responsabilité. À aucun endroit, ni dans le guide de Fred, ni dans celui de Julien, cette distinction n'est faite clairement. Voyez par exemple ce que dit Julien… » [6°)].

Dépôt "AUR" et dépôt "[archlinuxfr]", tous deux communautaires mais très différents. Ce qui pourrait faire l'objet d'un article dans les mois à venir. Pas maintenant. Pas assez de temps.

Oui, je n'ai plus beaucoup de temps devant moi avant de partir, le grand loin m'appelle, mais je vais en perdre (à plaisir) un peu tout de même pour illustrer plus encore mon propos.

— Oui, je le répète encore, les quelques guides d'installation existants, notamment ceux de Fred, de Julien et celui disponible sur le wiki Archlinux.fr, quels que soient leurs mérites et défauts propres, sont précieux. L'installation d'une Arch n'est pas simple, nous dit Fred Bezies en commentaire. Et de nombreux commentateurs le confirment. — Mais la vérité d'une telle proposition dépend avant tout de notre système de références. L'installation d'une Debian peut, elle aussi, paraître insurmontable à l'utilisateur nouvellement débarqué sous Linux. Il en va de même, d'ailleurs, de n'importe quelle autre distribution.

On a tendance à cristalliser toute l'attention sur la nature de l'installateur, comme le fait justement remarquer 4nti7rust :

Mais la vraie question ici c'est : Est-il bien normal qu'une distribution qui se targe d'être l'incarnation même de la simplicité en soit toujours à l’ère maudite des installations en console (à savoir que, il y a encore quelques mois, il y avait quand même un installateur graphique. Régression on vous dit !) ? Après toutes ces années d'un combat sans fin avec la méchante grosse trust crosoft, on ne daigne même pas rendre la peine de rendre le fruit du labeur acharné de ces bonnes âmes qui œuvrent sans rien demander pour le bien commun. Pourquoi s’arrêter si proche du but ?

Au-delà des enjeux économiques soulevés par ce commentaire, l'enjeu énoncé plus explicitement ici, pour l'utilisateur, serait à chercher du côté de l'ergonomie et de la simplicité d'utilisation. "CLI" contre "interface graphique". Au vrai, la différence ne me semble pas si fondamentale qu'on veut bien le laisser entendre.

On sait d'expérience que la préparation des partitions peut rapidement devenir laborieuse si, par exemple, l'on utilise plusieurs disques durs et/ou plusieurs OS. Arch, Debian ou Fedora, pour n'en citer que trois, de ce point de vue, présentent une différence notable quant aux interfaces : CLI pour Arch, contre interface graphique pour les autres. À bien y regarder, quelle soit l'interface utilisée, l'opération n'en est pas moins délicate dans tous les cas. Et pour être très honnête, je ne suis pas beaucoup plus rassuré, pas beaucoup plus à mon aise quand je re/formate en CLI ou depuis une interface graphique. C'est même très certainement le moment le plus tendu. Hormis, bien évidemment, quand mon disque est complètement vierge, où là j'ai l'esprit léger et vagabond.

Passer quatre cinq commandes de formatage avec un utilitaire comme "mkfs" peut être déconcertant ou déroutant quand on en a pas l'habitude. Je veux bien l'entendre. Mais posons-nous tranquillement, posément, la question : Quelle(s) différence(s) y a-t-il entre sélectionner en trois clics de souris telle ou telle partition, tel ou tel format, et passer quelques commandes en CLI pour obtenir exactement la même chose ? — Le geste ? Le périphérique d'entrée ? Clavier Vs souris ? Si c'est là une différence majeure ou remarquable, rien de plus, rien de moins, alors je ne vois pas là matière à faire le paon. Et, pour tout dire, je suis pour le moins surpris qu'on trouve à s'enorgueillir d'une différence aussi insignifiante.

Au fond, on peut se poser la question autrement. Qu'est-il réellement besoin de connaître, face à l'écran noir avec le prompt, pour demander l'exécution de cette suite d'instructions telle que Fred et d'autres la proposent ?

mkfs.ext2 /dev/sda1
mkswap /dev/sda2
mkfs.ext4 /dev/sda3
mkfs.ext4 /dev/sda4

Pas grand chose sinon l'identification de la nature des partitions, leur localisation dans la système de fichiers et les touches de son clavier. Pas de quoi fouetter un chat. Qui connaît réellement, parmi les archers, ce qui distingue tous ces systèmes de fichiers (swap, ext2, ext4) ? Bien peu j'imagine. Et je fais partie du lot des ignorants même s'il m'est arrivé, par le passé, de lire moultpages, et d'autres encore, sur lesdits système de fichiers. Je dois bien avouer qu'aujourd'hui, pour le coup, il ne m'en reste plus grand chose. Tout ça a pris la poussière.

Il en va de cette suite de commandes comme de cette proposition arithmétique, 2 x 2 = 4. En dehors de circonstances définies, elle est tout autant un non-sens que la suite de commandes précédente. C'est dans leur emploi seul qu'elles prennent du sens. Mais si l'on me demandait de fonder l'une ou l'autre, je serais bien ennuyé. Je les sais vraies ou exactes, l'une et l'autre, dans certaines circonstances, parce que je les ai apprises, je les ai reproduites. Elles appartiennent à mon système de référence. Rien d'autre.

N'en va-t-Il pas de même lorsque l'on configure sa connexion réseau ? — Renseigner le nom de la machine, associer l'adresse MAC d'une carte à telle interface, vérifier le chargement du module et configurer sa connexion en DHCP, tout ça n'a rien de bien sorcier, reconnaissons-le. En tout état de cause, je ne vois rien là, ou si peu, qui autorise à se prévaloir d'une maîtrise ou d'un contrôle remarquablement exceptionnel sur sa machine. Encore une fois, posons-nous la question autrement : Que connaissons-nous réellement de tous les outils que nous avons configurés, ce faisant ? — Honnêtement… pour ma part, pas grand chose. Et j'ai peine à croire qu'il en va tout autrement pour beaucoup de ceux qui ont installé une Arch un jour dans leur vie.

Ainsi, quand l'archer affirme qu'en installant une Arch, il « contrôle de A à Z » son installation, j'ai des doutes. La souplesse de ce « grand jeu de légo ou de mécano » n'est en rien une particularité archéenne. On la trouve tout autant sous Debian et d'autres. Quand je dis que j'ai des doutes, ce n'est pas à propos de tel ou tel archer que j'ai des doutes. J'ai des doutes sur le niveau de maîtrise ou de contrôle dont beaucoup se piquent, comme je l'ai dit dans mon article précédent et comme j'ai essayé de le montrer aussi à propos de l'utilisation du dépôt "AUR" (erreur de syntaxe, directive absente, etc.), de ses dépendances et des "choix" très personnels de logiciels que l'on donne, à l'installation, comme nécessaires, alors que, peut-être, certains autres mériteraient quelque attention. Même si j'ai eu peu d'écho en retour à ce propos, je crois salutaire, de tirer un peu plus fort encore sur la corde. Seul je n'arriverai à rien ou pas grand chose…


À propos de l'auteur : Christophe
Photographe
Photoblog

Gravatar de Cyrille BORNE
Original post of Cyrille BORNE.Votez pour ce billet sur Planet Libre.

Articles similaires