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Cyrille BORNE : Amateur et amateur...

dimanche 6 janvier 2013 à 11:33

Il y a amateur et amateur. Dans son commentaire à l'un des derniers articles de Cyrille sur le wiki francophone de la distribution qui se prend pour la reine, FabriceV me demande quel logiciel de développement je « conseillerais à un amateur ».

J'ai commencé ma réponse en commentaire, en cachant un peu mon jeu, l’air de rien, à la manière d'un bon Normand…

C'est à cause des champs de patates si le chemin ne va pas droit. Mille excuses pour cette non-réponse mais je venais de relire, dans la foulée, le dernier commentaire de Diogène sur l'un des articles consacrés au format RAW. Commentaire auquel je ne répondrai pas, en tous cas pas dans l'immédiat. Et pour tout dire, je n'avais pas vu/lu ce commentaire avant. Je n'y répondrai pas mais, en revanche, je peux vous en épargner la (longue) lecture en deux ou trois phrases : Les développeurs de Darktable sont des gens formidables parce qu'ils proposent, avec trois fois rien, un logiciel libre et gratuit. Fin de la récréation. De la suie sur du suif. Gratuit le libre ? — Oui, enfin, pas pour tout le monde mais c'est une autre histoire. Nous y reviendrons…

— Franchement, il ne faut pas s'étonner qu'avec de pareils raisonnements, les utilisateurs de systèmes (plus ou moins) libres aillent voir ailleurs pour y trouver les outils (stables, fiables, etc.) dont ils ont besoin, en production, s'ils n'existent pas sur telle et telle distribution, plus ou moins libre et plus ou moins gratuite. Plus directement, pour ma part, je n'ai plus beaucoup de temps à consacrer à la bidouille. Je rêve d'une stabilité et d'une fiabilité qui me permettraient de travailler un peu plus sereinement. Fiabilité des mises à jour et stabilité de mon environnement de travail quotidien. J'ai fini par me lasser de ne jamais vraiment les trouver sur la majorité des distributions Linux*. Combien de fois je me suis dit : « Ne mets pas à jour maintenant, on ne sait jamais. » En réalité, on ne le sait que trop. Ce que l'on redoute arrive souvent. Il y a toujours, à un moment ou à un autre, quelque chose qui va de travers. C'est terrible à dire mais c'est ainsi. Et depuis quelques mois que je suis sous Fedora (17), c'est pareil. Les deux dernières mises à jour importantes proposent un nouveau noyau avec lequel je ne peux plus démarrer graphiquement. Bordel ! Que de temps perdu à comprendre le pourquoi du comment ! Sous Debian, j'en avais fait mon parti, je bricolais, la bidouille a du bon, au moins pour la connaissance et l'autonomie. Et puis, il m'a fallu admettre que Debian ne reconnaîtrait pas de sitôt mon écran graphique EIZO en display port (central dans mon workflow) alors que sous Fedora sa reconnaissance est immédiate. Enfin, bref, inutile de proposer quelque solution en commentaire, je n'en attends plus aucune, je n'en suis plus là…

Regarder à droite et à gauche, pour aller droit, nous fait tomber. J'en suis venu à me dire que, peut-être, il serait bon de passer à autre chose, de tourner une page. Depuis le temps que je lorgne sur RedHat, voilà, c'est fait. Je viens tout juste de souscrire un abonnement pour la Red Hat Enterprise Linux Desktop. Dans la foulée, j'ai mis fin à ma contribution à la Free Software Foundation. Les slogans ont, eux aussi, fini par me lasser. L'un dans l'autre, c'est une économie de moitié. Je viens de graver la dernière ISO de Red Hat Desktop (6.3) et dans quelques jours mon poste de travail aura migré, histoire de voir ce que ça donne une Red Hat en production. Parce qu'au fond, voilà le maître mot : production. Je sais, le mot en fait frémir plus d'un, et ça, je peux le comprendre.

Ce n'est pas à la hache qu'il faut faire des reproches quand le poulet [qu'on veut tuer] crie. Un autre petit détour… Entre autres gesticulations pour le moins amusantes, Diogène essaie de démontrer que les développeurs de Darktable sont très certainement gens très compétents. Pour preuve, il y a même des photographes parmi eux. Ah ! Des photographes ? Voilà qui est intéressant. Photographes développeurs. Et, comme de bien entendu, Il me reproche de ne pas être allé jeter un œil sur la page de contact de l'équipe qui propose des liens avec les galeries desdits développeurs/photographes. Soit.

Frotté de piment on ne sent pas plus mau­vais, enduit de miel on ne sent pas plus bon, c'est ce que l'on fait qui nous rend meilleur. Variante de… C'est au pied du mur que l'on reconnaît le maçon. Ben, depuis, j'y suis allé, sur la page de contact de Darktable, j'ai suivi les liens mais je n'ai pas vu de photographes bien convaincants. Très certainement parce qu'il y a photographe et photographe. Dans l'équipe de Darktable, il y a bien des gens qui manipulent des appareils photo, ça oui, et même des appareils qu'on ne trouve plus que chez les brocanteurs (entièrement mécanique celui-là) ou sur l'avenue des Gobelins, Chez M. Wu Dinh. — Précisons, au cas où, qu'il s'agit d'une boutade… Ce qui est ici en cause ce n'est pas l'appareil lui-même mais bien plutôt la destination des photographies que l'on réalise avec. Ce qu'on pourrait appeler l'ancrage social du photographe et de ses images (statut). Au mieux, ce que j'ai vu est une "approche de l'intime" par la photo (domaine privé), parfois ce pourrait être de l'illustration (domaine public). Destination et approche que je ne dénigre nullement mais qui n'imposent nullement les mêmes exigences qu'au photojournaliste, par exemple. Dans le travail du photographe, il y a une dichotomie fondamentale entre le privé et le public, même si ces deux pôles (public et privé) s'entremêlent souvent, se joignent, se distendent, s'entrecroisent, se contredisent, luttent l'un contre le l'autre autant qu'ils se complètent, selon les moments.

Non mais plus simplement, autant le dire tout net, je n'ai pas vu de photos bien renversantes, tant par les constructions que par les sujets eux-mêmes. Et même parmi celles prises avec l'increvable Hasselblad. En même temps, ce n'est pas l'appareil qui construit l'image, mais je n'apprends rien à personne. Ah ! la belle époque de l'argentique… Révolue. Il y a dans cet attachement pour ces vieilles machines comme une forme d'anachronisme — voyez la photo présidentielle du président normal réalisée avec un Rolleiflex de 1962 par Depardon — que je peux comprendre mais lorsque Capa, Cartier-Bresson, Frank… adoptent le Leica, ils sont en phase avec leur temps, le Leica est, à ce moment de l'histoire, ce qui se fait de mieux. Comme me le disait récemment Corentin Fohlen, en basses lumières, un Leica c'est aussi pourri qu'un iPhone. Les très rares photos en très basses lumières signées Capa ont été réalisées grâce à des lumières incidentes. L'appréciation des effets produits par le jour, le « sentiment de la lumière », ça ne s'apprend pas, comme le disait Nadar.

Par contre, quel que soit le logiciel de développement et l'appareil utilisés, franchement, quand on affiche pareille photo on doit s'attendre à quelque critique. Je ne parle ni du sujet ni de la construction de l'image mais regardez, l'image de gauche est l'originale, celle à droite une mise à niveaux…

© All rights reserved by Henrik A.

J'ai d'abord cru à un effet, une recherche esthétique de la part dudit "photographe". Pour en avoir le cœur net, j'ai donc testé plusieurs images (noir/blanc et couleurs) et systématiquement j'obtiens le même problème de niveaux. Des plus anciennes aux plus récentes.

© All rights reserved by Henrik A.© All rights reserved by Henrik A.

Alors, de deux choses l'une, soit le logiciel de développement est franchement mauvais (Darktable) soit l'œil du photographe est partiellement "étoupé". Ou les deux.

Ça me rappelle une discussion récente avec l'un de mes amis qui me montrait ses photos de voyages (au pluriel) en Asie. L'une d'elles étaient magnifiquement construite. Seul hic, les niveaux !

© All rights reserved by Luciano b., 2012.

La photo, sans qu'il en ait aucunement conscience et sans aucune volonté esthétique de sa part, est orangée. Ce n'est malheureusement pas la seule. Toutes ou presque sont du même tonneau. C'est d'autant plus regrettable qu'elle est intéressante.

Quel que soit l'appareil et le logiciel utilisés, il y a, en photographie, des choses qui ne s'apprennent pas, qui ne relèvent pas d'une connaissance technique. Le zèle, la recherche, le travail infatigable, la poursuite persévérante et acharnée… mais, surtout, l'intelligence morale de son sujet. En somme, on n'apprend pas à regarder.

P. S. : Pour répondre à ta question FabriceV, j'ai utilisé pendant quelques années le très simple RawStudio. Il est un peu limité mais c'est un très bon logiciel pour se faire la main. Quand on en a fait le tour, on est très certainement en mesure de choisir soi-même ce qui nous convient.


À propos de l'auteur : Christophe
Photographe
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