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Artisan Numérique : UNIX et le cheval de guerre romain

samedi 18 mai 2013 à 12:15

Quelle relation entre le vénérable équidé et nos habitudes unixiennes ? Tout simplement l'Histoire qui comme souvent nous donne l'explication sur nombre de choses bizarres qui peuplent notre quotidien.

Du cheval de guerre romain à la navette spatiale américaine

De la bouche même de leurs concepteurs, les réservoirs auxiliaires de la navette spatial américaine auraient dus être bien plus larges. Malheureusement, ils devraient voyager par train de l'Utah (lieu de fabrication) à Cap Canaveral, empruntant ainsi un étroit tunnel à travers les rocheuses. Les ingénieurs ont donc du contraindre le volume des réservoirs de ce très moderne moyen de transport aux dimensions d'un vénérable tunnel, elles-mêmes liées à l'espacement des rails, soit très exactement 1.453 mètres... Un chiffre plutôt étrange, qui ne l'est pas moins une fois exprimés à la mode impériale, soit 4 pieds et 8.5 pouces...

Cet espacement a simplement été importé par des ingénieurs anglais expatriés sur le nouveau continent. Cela présentait à leurs yeux l'avantage de pouvoir faire fonctionner les locomotives britanniques sur les nouvelles lignes, ce qui ne manquait pas de sens. Mais même pour des anglais, ce chiffre reste assez mystérieux. En réalité, avant d'être l'espacement standard des rails pour le train, il avait été celui des tramways. Et celui des trams a été calqué sur celui qui sépare les deux roues d'un chariot évoluant cette fois sur les routes.

Cette espacement des roues de chariots n'étaient pas non plus le fruit du hasard. Il se trouvait que les premières routes comportait des ornières plus ou moins profondes qui avait elles aussi cet espacement. Les chariots se sont donc adaptés aux routes pour éviter de casser les essieux.

Maintenant la question est de savoir d'où venaient ces ornières... Pour cela il faut remonter à ceux qui ont construit ces premières routes, les romains. Pour accélérer la conquête, ces derniers ont mis en place un intensif réseau de communication emprunté par de très nombreux chars de guerre. Les romains avaient pensé ces chars de manière très fine. Tirés par deux chevaux, ces derniers ne devaient pas se gêner. Les roues quant à elles devait légèrement s'étaler de part et d'autre de leurs croupes pour augmenter la stabilité. Soit une distance idéale de 1.453m.

C'est ainsi la croupe d'un cheval de guerre romain a conditionné la taille des réservoirs de la navette spatiale, mais aussi de 60% du réseau ferroviaire mondial.

Le cheval de guerre Unixien

L'informatique aussi regorge de choses étranges comme ce 1453. Par exemple, tout le monde utilise le mot "fichier" comme un évidence, mais peu se doutent que ce terme fait référence à une boite bien physique contenant des fiches perforées. Nous pouvons aussi nous demander qui a eu l'idée de mettre les touches d'un clavier dans un ordre aussi anti-ergonomique avant de savoir que le but d'un clavier AZERTY n'était pas d'accélérer la frappe mais de la ralentir pour éviter que les marteaux des machines à écrire ne s'emmêlent.

Les vimmers curieux ont eux aussi leur lot d'interrogation. Pourquoi en effet un tel usage de la touche ESC alors que sur tous les claviers de la terre c'est la touche de loin la plus chiante à obtenir ? Ou encore pourquoi la religion du HJKL pour se déplacer au lieu des touches de directions standards ?

Pour comprendre cela, il faut remonter à l'origine de VIM, à savoir VI développé par Bill Joy en 1976. A cette époque la micro-informatique était encore un projet dans le cerveau de Wozniak, et tout le monde travaillait sur des "terminaux", des ensembles écran/clavier, qui communiquaient avec un serveur (mainframe) par liaison série (RS232).

Bill Joy utilisait un terminal très populaire à l'époque, l'ADM-3A. Ce monstre de puissance sorti en 1975, était équipé d'un écran à phosphore ambre, blanc ou vert, capable d'afficher 12 lignes de 40 caractères majuscules. Les versions suivantes sont montées à 20 lignes en ajoutant les caractères minuscules. En réalité cette résolution était surtout limitée par le prix de la mémoire, la bestiole coutait tout de même $1195 (je vous laisse actualiser :). Plus tard, des cartes électroniques permirent même un début de graphisme en émulant le célèbre Tektronik 4014.

Comme vous pouvez le voir, le clavier de l'ADM-3A comprenait deux caractéristiques assez singulières. Tout d'abord la touche ESC placée juste à gauche de la ligne QWERTY. En gros là où aujourd'hui nous avons notre touche Tabulation. Premier mystère, sur l'ADM cette touche était donc l'une des plus accessibles.

Ensuite, le clavier de l'ADM-3A ne disposant pas de touches de direction, celle-ci étaient simplement sérigraphiées sur les touches... HJKL, voilà pour le second mystère.

Sur ce clavier nous notons aussi que les caractères ~, |, @, etc, sont elles aussi très faciles à obtenir. Bref, tout ce qui fait le quotidien de quelqu'un qui travaille aujourd'hui en ligne de commande.

L'ADM-3A est donc en quelque sorte le cheval de guerre romain de l'informatique en ligne de commande.

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