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Internet libre : game over. Please insert coin.

mardi 20 novembre 2012 à 23:49

Nos dossiers bougent. L'hydre à six têtes d'ACTA a perdu une tête et est à terre. Enfin une ministre a promis (ça coûte pas cher) une loi sur la neutralité. Toujours aucune embellie sur le front des cultureux en plastique.

Internet a besoin de protection et de défense, les lecteurs habitués du lieu le savent. Comment faire ?

Histoire de lever toute forme de doute ou de suspens, la réponse c'est "en finançant et renforçant la Quadrature".

Alea Acta est[1]

Ça n'aura échappé à personne, le Parlement Européen a rejeté le traité Acta, qui ne sera donc pas ratifié par l'Union Européenne, et qui est donc mort dans l'œuf. En regardant ça d'un œil optimiste, on peut croire que le problème est réglé. C'est une impression trompeuse.

Les morceaux les plus inquiétants d'Acta sont repris dans d'autres traités. En effet, les instances négociantes[2] étaient tellement convaincues que tout ça serait ratifié sans discussion qu'elles avaient commencé à en reprendre la teneur dans d'autres textes en cours de négociation. Quel intérêt ? Que tout ça se renforce. Qu'on puisse dire la main sur le cœur que les traités internationaux imposent ..., que ce n'est pas un élément ou texte isolé, que c'est une cohérence mondiale, etc.

La première reprise identifiée est dans Ceta, un traité commercial entre l'Union Européenne et le Canada. Histoire de ne pas se faire lancer des tomates, la Commission Européenne promet devant le Parlement de retirer de Ceta les bouts d'Acta qui posent problème. Reste à s'en assurer. Y compris après le renouvellement du Parlement Européen en 2014.

En position de gaffe

Sur la neutralité des réseaux: la personne en charge du sujet pendant la campagne présidentielle s'y disait favorable, y compris à légiférer sur le sujet. Une fois devenue ministre, elle déclarait au début de l'été que, je cite la neutralité du net est un concept américain qui a tendance à favoriser les intérêts économiques de Google, Apple et consorts.

Ce parfait contresens (Apple serait plutôt dans les anti-neutralité, par exemple) a été très fraîchement accueilli sur le Net. Et quelques jours plus tard notre ministre du numérique se reprenait et déclarait devant le club parlementaire du numérique[3] qu'il fallait légiférer rapidement sur le volet "libertés fondamentales" du sujet.

D'où vient ce revirement ? Facile, d'une volée de bois vert sur le Net, suivi d'une prise d'information pour comprendre ce qui se passe et rectifier le tir. D'un certain point de vue, c'est bon signe: ils ne s'entêtent pas et ils corrigent. Reste qu'il faut être là en permanence à surveiller qu'ils ne dérapent pas.

Les propositions sont sur la table. Portées par la Fédération FDN et la Quadrature, entre autres.

Brevets d'auteur et droits logiciels

Sur le volet de la propriété imaginaire[4], aucune avancée. Nulle part. Au niveau européen, c'est totalement embourbé. Il y a bien un projet de refonte des directives dites Ipred (Intellectual property enforcement directive, en bon français), avec comme objectif de tout empirer un peu plus. Mais vu le résultat sur Acta, c'est tout d'un coup moins urgent. Imaginez que les députés soient cohérents dans leurs votes, le drame assuré pour la Commission sur le sujet.

Au niveau français, pas mieux. L'opposition socialiste faisait bloc contre Hadœpi, et depuis qu'elle est majoritaire elle minaude. Pas bien sûre d'être pour ou contre. Sont pas pour l'abrogation, mais certainement contre le maintien. Bref, statu quo. Donc, finalement plutôt pour, puisqu'en l'état ça existe.

Le monde du logiciel libre le sait depuis 15 ans au moins. Le monde du réseau tout autant. Il est urgent de repenser l'ensemble des questions de droit d'auteur pour une raison simple. Toute la rémunération reposait sur l'économie du support physique, et celui-ci tend à disparaître. Il faut tout revoir. Et pendant qu'on y sera, il faudra reprendre entièrement la question des brevets.

Là aussi, les propositions (vous pouvez en lire certaines ici et ici) sont sur la table, portées par La Quadrature et d'autres organisations. Il nous faut les défendre.

Oui, et donc ?

La Fédération FDN est une structure solide, de ce côté là, tout va bien. Elle ne vit que de bénévolat, et donc ne disparaîtra pas faute de sous. Mais c'est notoirement insuffisant. C'est une structure de bénévoles, parfaitement incapable de faire du travail de veille permanent, ou de la présence auprès des institutions européennes. La simple participation occasionnelle à des travaux de l'ARCEP est un cauchemar[5].

Dans ce rôle là, il y a la Quadrature. Ils font le travail de veille. Ils font le suivi des politiques. Mais c'est une structure infiniment fragile. Tout repose sur quelques salariés très engagés, mais peu nombreux, et sur une armée de bénévoles. Son financement est précaire.

Il y a eu beaucoup de travail cet été pour essayer de définir la structure que devait avoir la Quadrature pour être pérenne et pour pouvoir traiter un maximum de dossiers de manière solide. Un gros travail de structuration. Pas seulement plus de monde, mais un mode d'organisation interne revu[6]. Et cette question lancinante: comment on finance ?

Le financement de la Quadrature est simple. Une part vient de l'Open Society Institute[7], autour de 40% du budget annuel[8]. Tout le reste vient de vos dons.

Vous en avez maintenant l'habitude. Tous les ans, en général en fin d'année, une piqûre de rappel pour vous dire que si on arrête de financer, alors la Quadrature s'arrête.

Le Fonds de Défense de la Neutralité du Net continue de porter le financement de la Quadrature, parmi d'autres projets[9].

Pour donner, c'est sur le site de soutien à la Quadrature. Ça peut être un don pour une fois, par CB. L'idéal, c'est un don mensualisé en prélèvement automatique. Oui, c'est plus chiant, il faut envoyer un papier, tout ça. Mais voilà, c'est vraiment mieux, vraiment moins aléatoire. Et puis ça fait qu'il n'y a plus besoin de faire la piqûre de rappel...

Game over ? Please insert coin to continue.

Notes

[1] Acta est aléatoire, en mauvais latin.

[2] Pas vraiment les politiques, enfin très peu d'entre eux, mais par contre quelques lobbies puissants et efficaces.

[3] Un dîner organisé régulièrement à l'Assemblée qui regroupe des parlementaires et des lobbyistes. On y mange bien, merci. Sauf invitation, l'entrée est payante.

[4] Dans les lois, ils disent "propriété intellectuelle", mais quand on y réfléchit bien, ça n'a pas tellement de sens. Comment voulez-vous vous dire propriétaire d'une idée ? Ça ne se vend pas. Et quand on la vendrait, on ne s'en dépossède pas. Le terme "propriété" est fort imparfait ici.

[5] Il faut être à Paris. Il faut poser un jour de congé de-ci de-là. Rien que ça, c'est pas simple, pour des bénévoles.

[6] Si vous voulez, je vous ferai un petit mot sur le sujet un de ces jours. Mais là, j'ai peur de faire trop long. Et puis autant que ce soit publié par la Quadrature.

[7] OSI, dit aussi "Fondation Soros", qui en général finance des projets visant à rétablir la démocratie, et estime qu'en Europe en général et en France en particulier, c'est plus simple d'essayer de maintenir la démocratie maintenant que de la rétablir quand elle aura chuté. Le site web de l'OSI raconte ce qu'ils font, en particulier la page sur leurs valeurs.

[8] Le budget annuel tourne autour de 120.000 euros, dont 50.000 viennent de l'OSI.

[9] Actuellement: l'April, FramaSoft, WikiLeaks et No-Log. D'autres viendront bientôt.