PROJET AUTOBLOG


AcideBaseKegTux

Archivé

source: AcideBaseKegTux

⇐ retour index

Choquant : j'ai parlé à des banquiers !

jeudi 1 janvier 1970 à 01:00
JPEG - 34.3 ko

J'ai parlé à des banquiers. Et j'ai découvert une vérité choquante : beaucoup d'entre eux sont en réalité des êtres humains.

Il faut dire que j'ai parlé à des drôles de banquiers : c'était des banquiers qui étaient virés. Est-ce depuis ce jour qu'ils sont devenus humains ? Je ne le sais, mais on me souffle qu'en fait, même parmi les banquiers que l'on aime décrire comme des requins assoiffés d'argent et de pouvoir, il y a des gens qui défendent des valeurs humaines. Si si, je vous assure.

Parler avec ces banquiers était riche en enseignement. J'ai parlé avec un banquier qui voulait devenir ambulancier, par exemple. C'était il y a quelques années, tout au début de la crise financière de 2007 et qui allait devenir cette crise économique que nous connaissons. Lui n'était pas viré. Du moins pas encore. Mais il prédisait alors déjà que le monde n'allait plus être le même. Surtout pour les banquiers en fait. Alors il voulait devenir ambulancier. Un rêve de gosse. Et comme il avait des sous pour se former et des valeurs en adéquation avec le job, pourquoi s'en priver ?

Beaucoup plus récemment, un autre banquier m'a dit que le monde de la banque privé, en Suisse, c'était mort. Que le secret bancaire était mort. Et que les banquiers qui étaient jusqu'ici grassement payés - autour des CHF 15'000.- par mois, sans compter les bonus - avaient vu leur salaire chuter, divisé par trois. Ma première réaction était : "Tiens, les banquiers commencent à comprendre comment vit le reste de la Suisse. Intéressant." Mais il a poursuivi : le mobbing était devenu monnaie courante dans certains établissement ; le pressage de citron la norme un peu partout. Il faut travailler vite, il faut travailler bien, il faut travailler beaucoup et sans pause, et surtout, il ne faut pas se plaindre. Tu pars en congé maladie pour cause de burn-out ? Tant mieux, ça nous fera des économies, on n'aura même pas besoin de te remplacer, ce sont les autres qui vont morfler.

Cette description m'a été confirmée et communiquée de manière indépendante par plusieurs autres banquiers et financiers ces derniers mois. Trois d'entre eux étaient particulièrement amers contre leur ancien employeur qui les avait "balancés" aux autorités des Etats-Unis. L'Oncle Sam voulait des noms. Des gens à mettre en tôle. "Je ne peux plus mettre les pieds aux Etats-Unis sous peine de me retrouver immédiatement en prison, m'avait dit l'un d'entre eux qui se destinait à présent à l'immobilier. Mon nom est sur la liste." Est-ce qu'on les plaindra alors qu'ils trempaient dans des activités immorales ? "Le pire, c'est qu'on n'avait pas l'impression qu'on faisait quoi que ce soit de mal. Pour nous, c'était juste des chiffres qu'on déplaçait ici ou là. On nous assurait que le droit suisse ne nous condamnerait jamais. Que les plaintes des autres pays ne nous atteindraient pas. Il y avait des procédures très détaillées, des handbooks qui, pour ainsi dire, nous expliquaient comment aider nos clients à frauder. Enfin... nous n'avions pas l'impression que nous les aidions à frauder. C'était plutôt que nous profitions d'une sorte de zone grise. Et tout d'un coup, cette banque qui a réclamé de nous obéissance et loyauté pour des transactions qui ont fait leur fortune - et bien, elle nous lâche. Elle nous livre à ceux qui cherchent des coupables. Alors que finalement, nous n'avons pas fait plus ou moins que ce pour quoi nous avons été engagés..."

Les banquiers se réveillent. Ils réalisent que les valeurs conservatrices et d'honneur sur lesquelles reposaient les banques suisses n'étaient qu'une façade. Et que la mère louve qui attendait de ses louveteaux soumission et dévotion les avait livrés aux chasseurs. Quelle désillusion ! L'un d'entre eux, en litige avec son ancien employeur, menace : "S'ils ne font pas suite à ma requête, je balance tout. D'abord à la justice. Et si la justice me reproche de ne pas avoir respecté le secret professionnel, alors je balance tout à la presse. Ce qu'on a vu n'était que le début ! Si vous saviez ce que je sais !"

Je ne suis en effet pas sûr de vraiment vouloir savoir. Les guichets de banque dans les aéroports suisses où l'on dépose des liasses de billets venus d'ailleurs ? Les formulaires que l'on envoyait par courrier express au conseiller financier en déplacement à l'étranger pour éviter qu'il se fasse pincer à la douane ? Les réponses procédurières au téléphone pour embrouiller le FBI ? Pire que cela ? Mais j'imagine que c'est un devoir de transparence auquel de plus en plus de banquiers amers aspirent. Tant qu'à être la victime des magouilles de leurs employeurs, autant profiter un peu du spectacle en les regardant se démêler avec les investigations. Un peu de satisfaction et de réparation dans ce monde infâme.

Finalement, je les trouvais plutôt sympathiques, les banquiers que j'ai rencontrés ces derniers mois. Très humains aussi. Ni blancs, ni noirs. Des erreurs, des qualités, de l'égoïsme, de l'altruisme. Des gens comme vous et moi. Je ne nie pas qu'il y a encore dans ce milieux des individus correspondant en tous points aux stéréotypes. Il y en a réellement, et cela m'a été confirmé par ceux qui le savent "de l'intérieur". Mais qui sais ? En attendant qu'eux aussi se fassent virer et se réveillent à leur propre humanité, nous rencontrerons quelques ambulanciers et promoteurs immobiliers sympathiques qui étaient comme eux. Autrefois.