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Libérer le pouvoir de la nostalgie : les jeux vidéo rétro en psychothérapie

jeudi 13 juin 2024 à 19:06


Le psychothérapeute qui souhaite se lancer dans la médiation thérapeutique avec les jeux vidéo est souvent face à une question redoutable : quels jeux vidéo utiliser ? L’offre de jeux est si pléthorique qu’elle en devient intimidante. Jusqu’ici, ma réponse avait été : “choisissez de beaux jeux vidéo”. L’expérience de la beauté est en effet pour moi une des spécificité de la médiation vidéo ludique. Avec l’article de Marion Haza et Antoine Barsi, il est maintenant possible de répondre : “choisissez des jeux rétro”.

Le rétrogaming utilise du matériel de jeu des années 1970 aux années 2000. La simplicité technologique du matériel se traduit par des graphismes moins élaborés, des couleurs limitées et des animations basiques. Comparé aux machines d’aujourd’hui qui livrent un son spatialisé, des graphismes de très haute qualité et des animations cinématographiques, le rétrogaming, c’est le gaming de papa ou de grand-papa pour certains.

C’est précisément cet aspect qui rend le rétrogaming intéressant en psychothérapie. Marion Haza et Antoine Barsi montrent que jouer aux jeux vidéo du siècle précédent favorise l’accès à des souvenirs nostalgiques, des moments d’enfance et un lien avec le passé. Tous ces aspects font de ces jeux des médias intéressants pour le psychothérapeute.

Mais ce n’est pas le seul aspect qui rend les jeux rétro intéressants dans la salle de psychothérapie. Les jeux vidéo rétro font partie de la mémoire collective de plusieurs générations. Leur utilisation peut faciliter la création de liens intergénérationnels en partageant des expériences communes entre parents et enfants ou même entre différentes générations d’une même famille. Un parent peut avoir du mal à maîtriser la complexité des combos du dernier FIFA, mais il aura sans doute peu de difficulté à se déplacer dans le labyrinthe de Pac-Man. Les jeux rétro sont donc des plateformes où parents et enfants peuvent se retrouver pour jouer ensemble.

Les jeux rétro ont souvent des mécaniques et des règles de jeu simples. Pensez au “Évitez de manquer la balle pour gagner” de Pong, par exemple, et comparez à toutes les mécaniques de déplacement, de tir, et de construction de Fortnite. Quelques secondes sont nécessaires pour prendre en main le premier jeu alors qu’il faut plusieurs dizaines d’heures de jeu pour arriver à une relative aisance pour le second. Cette simplicité peut réduire l’anxiété liée à l’apprentissage de nouveaux systèmes de jeu et permettre aux patients de se concentrer sur le plaisir et l’expérience thérapeutique plutôt que sur la maîtrise de compétences complexes. Il ne faudrait pas penser que les jeux rétro ne sont utiles que pour des adultes vieillissants incapables de faire les apprentissages complexes des jeux vidéo d’aujourd’hui. L’interface utilisateur et la jouabilité plus directes des jeux rétro peuvent être particulièrement bénéfiques pour les jeunes enfants ou les patients ayant des difficultés cognitives ou motrices, offrant une entrée facile dans le monde du jeu vidéo thérapeutique.

Les personnages et les histoires des jeux vidéo rétro sont souvent simples mais puissamment symboliques. Le jeu Spyro le dragon cité dans l’article de Marion Haza et Antoine Barsi met en scène un personnage énergique et courageux, mais qui peut aussi être arrogant. Ce défaut ne l’empêchera pas, avec l’aide du joueur, de venir à bout de Gnasty Gnorc qui a transformé ses amis dragons en cristal. Ces quelques mots sont saturés de symboles qu’il est intéressant de faire jouer en psychothérapie. Le petit dragon est plein de la promesse du grand dragon qu’il deviendra sans doute. Le dragon est connecté à la puissance, la force, la protection et la bienveillance, mais aussi à l’avidité et à l’arrogance tandis que le cristal peut symboliser le gel défensif et les fragilités personnelles. En jouant à Spyro le dragon, le joueur est connecté à une matrice symbolique qui facilite l’expression des attentes, craintes et conflits personnels.

Utiliser des jeux vidéo rétro peut créer des opportunités de dialogue entre les générations. Comment résister à un “je me souviens” lorsque l’on voit l’écran de Pac-Man, de Pong ou de Space Invaders ? Les parents ou grands-parents qui ont joué à ces jeux peuvent partager leurs expériences avec les jeunes patients, renforçant ainsi les liens familiaux et offrant des points de discussion naturels. Ces discussions sont recherchées par les psychothérapeutes parce qu’elles peuvent aider les patients à se sentir plus connectés à leur famille et à leur histoire. Elles peuvent aider les patients à se sentir plus connectés à leur famille et à leur histoire, ce qui peut être très réconfortant, stabilisant et finalement structurant

 

 

Marion Haza-Pery et Antoine Barsi. (2024). Usage du rétrogaming en médiation thérapeutique : une mise en histoire intergénérationnelle. Sciences du jeu, 22. URL : https://journals.openedition.org/sdj/6723 ; DOI : https://doi.org/10.4000/11sts

Le numérique suscite des inquiétudes injustifiées

mercredi 5 juin 2024 à 09:17

En écho aux observations d’une évaluatrice fatiguée, Craig Sewall et Douglas Parry  montrent que le lien entre la santé mentale des jeunes et le numérique sont infondés. 

Les auteurs partent d’un constat que tout le monde fait facilement  : les adolescents passent plusieurs heures par jour sur les réseaux sociaux. Cette tendance a suscité des inquiétudes croissantes concernant l’impact des réseaux sociaux sur la santé mentale des jeunes. Mais, relèvent les auteurs, les assertions selon lesquelles les réseaux sociaux sont la principale cause de la crise de santé mentale chez les jeunes reposent souvent sur des preuves corrélationnelles et négligent les facteurs confondants tels que les influences génétiques, environnementales, sociales et psychologiques.

Pour Craig Sewall et Douglass Parry, trop d’études reposent sur des modèles simplistes qui transforment des corrélations en causalité, sur la force réthorique de l’auteur ou des manipulations statistiques. Ils mettent en avant un point très important : plus l’implication du numérique dans les problèmes de santé des jeunes est soulignée, plus l’influence des facteurs psychosociaux tels que les traumatismes, les maltraitances ou les expériences adverses sont mésestimés. Les études qui pointent le numérique comme problème ont tendance à négliger les facteurs confondants, à simplifier les problèmes de santé mentale, à omettre des variables importantes, ce qui ne les empêche pas d’appeler à des politiques restrictives en ce qui concerne les usages numériques des jeunes. Ainsi, les prohibitionnistes numériques ont tendance à laisser de côté les influences génétiques, environnementales, sociales et psychologiques qui contribuent aux problèmes de santé mentale. à simplifier excessivement la complexité des causes des problèmes de santé mentale, en attribuant principalement ces problèmes à l’utilisation des réseaux sociaux ou à omettre des variables importantes comme l’adversité psychosociale, Concrètement, cela signifie que la diminution du temps de sommeil d’un adolescent sera attribuée aux jeux vidéo alors que cette diminution fait partie du processus développemental de l’adolescence. Autre exemple : des troubles du développement sont attribués a l’influence des écrans

Ce discours technophobe contribue à pousser les parents et les institutions vers une décision inutiles ou contraires au développement des enfants J’ai souvent vu dans ma pratique de psychothérapeute des parents qui tentent de diminuer le temps de jeu de leur adolescent alors qu’il traverse un moment difficile – que les parents ignorent – et que le jeu vidéo est le moment d’expériences positives dans un océan d’amertume. l’effort que les uns et les autres mettent dans la diminution ou la prohibition du numérique pour les jeunes n’est pas mis sur les facteurs qui sont réellement critiques. Mais il est plus facile de mettre en place un contrôle des identités en ligne qu’une véritable politique de santé en direction des familles, des parents et des enfants

Bibliographie

Marcelli, D., Bossière, M. C., & Ducanda, A. L. (2018). Plaidoyer pour un nouveau syndrome «Exposition précoce et excessive aux écrans»(epee). Enfances Psy79(3), 142-160.

La dépression maternelle influence-t-elle le temps d’écran des enfants ?

jeudi 23 mai 2024 à 11:25

 

 

Michael Stora fait souvent le lien entre la dépression maternelle et le temps que les enfants passent devant un écran de télévision ou d’ordinateur. Il en tire un modèle conceptuel intéressant, mais comme toutes les observations cliniques, ces observations difficilement généralisables. Voyons ce que disent les recherches quantitatives.

La dépression maternelle pourrait-elle influencer la quantité de temps que les enfants passent devant les écrans ? L’étude de Trinh et al. (2019) a exploré cette question en mesurant la dépression maternelle à plusieurs moments clés : 12, 24 et 36 mois après la naissance de l’enfant. Les résultats ont révélé que, dans cette étude spécifique, la dépression maternelle n’était pas un facteur significatif affectant le temps d’écran des enfants.

Mais ce résultat est-il représentatif de la réalité ? Lorsque nous comparons cette étude avec d’autres recherches, nous constatons des résultats divergents. Par exemple, Anand et ses collègues (2014) ont trouvé que les symptômes de dépression chez les mères étaient associés à une augmentation du temps de visionnage de la télévision chez les nourrissons. De même, Park et al. (2018) ont montré une corrélation positive entre la dépression maternelle et une utilisation excessive des écrans chez les enfants. Thompson et Christakis (2007) ont également noté que le stress mental maternel, incluant la dépression, était lié à un temps d’écran plus élevé chez les enfants de moins de trois ans.

Ces études suggèrent que les mères souffrant de dépression peuvent être plus enclines à utiliser les écrans comme un moyen de divertissement pour leurs enfants. Cela pourrait être dû à une baisse d’énergie ou à des difficultés à interagir activement avec leurs enfants. En utilisant les écrans, ces mères peuvent trouver un moyen de gérer le quotidien plus facilement, même si cela conduit à une augmentation du temps d’écran pour leurs enfants.

Alors, pourquoi l’étude de Trinh et al. n’a-t-elle pas trouvé de lien significatif ? Plusieurs facteurs pourraient l’expliquer. Tout d’abord, la prévalence relativement faible de la dépression postpartum dans leur échantillon pourrait avoir limité la capacité de l’étude à détecter une relation significative. Sur les 238 femmes étudiées, seulement 7,8 % souffraient de dépression postpartum. Ensuite, les différences dans la méthodologie et le moment de la mesure de la dépression peuvent également jouer un rôle. La manière dont la dépression est diagnostiquée ou rapportée, ainsi que la précision avec laquelle le temps d’écran est enregistré, peuvent varier d’une étude à l’autre et influencer les résultats.

En conclusion, bien que l’étude de Trinh et al. n’ait pas trouvé de relation significative entre la dépression maternelle et le temps d’écran des enfants, d’autres recherches suggèrent une association positive. Il est donc crucial de continuer à explorer cette question avec des méthodologies diverses et des échantillons variés pour mieux comprendre les facteurs sous-jacents à cette relation complexe. La réponse n’est pas simple, et chaque étude apporte une pièce supplémentaire au puzzle de notre compréhension.

Bibliographie

Anand, V., Downs, S. M., Bauer, N. S., & Carroll, A. E. (2014). Prevalence of infant television viewing and maternal depression symptoms. Journal of Developmental & Behavioral Pediatrics, 35(3), 216-224.

Park, S., Chang, H. Y., Park, E. J., et al. (2018). Maternal depression and children’s screen overuse. Journal of Korean Medical Science, 33(34), e219.

Thompson, D. A., & Christakis, D. A. (2007). The association of maternal mental distress with television viewing in children under 3 years old. Ambulatory Pediatrics, 7(1), 32-37.

Trinh, M.-H., Sundaram, R., Robinson, S. L., Lin, T.-C., Bell, E. M., Ghassabian, A., & Yeung, E. H. (2019). Association of Trajectory and Covariates of Children’s Screen Media Time. JAMA Pediatrics.

Le rôle de la dopamine dans le développement du cerveau et son implication dans les jeux vidéo

dimanche 12 mai 2024 à 09:51

Lorsqu’il est question de jeu vidéo, la question de la dopamine entre toujours en jeu. Malheureusement, elle est souvent traitée d’une manière réductrice. La dopamine est présentée comme “l’hormone du plaisir”‘ et son déclenchement pendant les parties de jeu vidéo serait à l’origine d’une addiction aux jeux vidéo. Cependant, le rôle de la dopamine est bien plus important et divers que celui de provoquer du plaisir. La maturation du système dopaminergique est un élément essentiel de l’adolescence, parce que la dopamine influence l’activité du cerveau préfrontal, contribuant ainsi à la régulation de la cognition et des comportements.

 

Motivation et récompense

La dopamine est essentielle dans les systèmes de récompense du cerveau, influençant fortement la motivation. Le développement adéquat du système dopaminergique permet aux individus de percevoir le plaisir et la satisfaction liés aux activités bénéfiques pour leur survie et leur bien-être, comme manger, interagir socialement, ou apprendre de nouvelles compétences. Cela favorise des comportements adaptatifs essentiels pour la survie. les jeux vidéo peuvent être décrits comme des systèmes de récompense et de punition. Faire les bonnes actions est récompensé (bruitage, points d’expérience, passage au niveau suivant) tandis que les mauvaises actions sont punies (perte de points de vie, d’argent, de vie etc.) Ce système de renforcement ou l’incitation à l’exploration de nouveaux environnements et mécanismes stimulent la libération de la dopamine.

 

Humeur et Bien-être

Le système dopaminergique influence considérablement l’humeur. Des dysfonctionnements dans ce système peuvent être liés à des troubles de l’humeur comme la dépression et le trouble bipolaire. Un développement correct permet une meilleure régulation émotionnelle et contribue à un équilibre émotionnel plus stable. Il existe un genre entier de jeu vidéo qui favorisent la relaxation et la détente. Ces “causal games” sont des jeux qui faciles à prendre en main, fun, rapides à jouer et ne posent jamais de défis insurmontables. les “party games”, sont également accessibles, fun, basés sur la convivialité et le dynamisme. La victoire est toujours secondaire au plaisir partagé avec les autres joueurs. Les party games et les casual games engagent probablement le système dopaminergique.

 

Fonctions exécutives

La dopamine joue un rôle clé dans les fonctions exécutives, qui incluent la planification, la prise de décision, la résolution de problèmes, et le contrôle des impulsions. Le développement du système dopaminergique peut améliorer ces fonctions, permettant une meilleure gestion des tâches complexes et un meilleur contrôle comportemental. Tous les jeux vidéo nécessitent de prendre de décisions. Les jeux de stratégie d’action. A chaque instant, le joueur doit faire des choix importants immédiatement ou à long terme. De ce point de vue, les jeux vidéo engagement les fonctions exécutives puisque les joueurs doivent planifier leurs actions, agir, et évaluent les résultats de ces actions.

 

Apprentissage et mémoire

La dopamine est vitale pour l’apprentissage et la mémoire, en particulier pour la consolidation de la mémoire à long terme et l’apprentissage associatif. Elle favorise l’encodage des souvenirs en signalant l’importance ou la nouveauté des informations, ce qui aide à prioriser les ressources cognitives. Il n’existe pas de jeu vidéo qui ne mette en jeu la mémoire. Les joueurs mémorisent la carte des espaces de jeu, les caractéristiques des personnages, des objets utilisés, la synergie entre les différents pouvoirs, le système de niveau, les transformations, l’histoire des personnages…

Dans le cerveau en développement, la dopamine influence la plasticité synaptique, le processus par lequel les connexions entre les neurones sont renforcées ou affaiblies en réponse à l’activité. Ce mécanisme est essentiel pour l’adaptation à l’environnement et pour le développement de réponses comportementales appropriées.

 

 

Dépasser les simplifications

L’activité dopaminergique, particulièrement élevée pendant l’adolescence, est associée à une augmentation de la recherche de sensations et de la prise de risques. Bien que cela puisse augmenter la vulnérabilité aux comportements dangereux, cela favorise également l’exploration et l’apprentissage, des comportements importants pour le développement personnel et social. Jouer aux jeux vidéo nécessite de s’adapter aux changements. Une mécanique de jeu est basée sur cette adaptation. Les jeux vidéo ont une “meta” c’est-à-dire la stratégie optimale à adopter pour remporter une partie, en fonction des règles du jeu, des personnages disponibles, de la carte et des stratégies des autres joueurs… .Cette méta change régulièrement au fil de la mise à jour et des nouveaux contenus. Dans un FPS, l’introduction d’une nouvelle arme peut amener les joueurs à adopter positions spécifiques sur la carte de jeu ou à trouver de nouvelles combinaisons entre les personnages. Les joueurs doivent donc avoir une idée précise de la méta tout en étant capable de changer leurs stratégies lorsque la méta change.

Le développement du système dopaminergique est essentiel pour un fonctionnement psychologique et physiologique optimal, influençant la motivation, l’humeur, l’apprentissage, et la régulation neurobiologique. Des anomalies dans ce développement peuvent conduire à divers troubles neuropsychiatriques, soulignant l’importance de comprendre et de soutenir ce processus pendant les périodes critiques de croissance et au-delà. En ce qui concerne les jeux vidéo, l’apprentissage est une constante. les joueurs doivent sans cesse apprendre de nouvelles compétences, soit parce que la méta a changé, soit parce qu’il est utile d’affiner les apprentissages déjà acquis. Par exemple, la navigation dans l’espace 3D des jeux est une compétence de base que les joueurs doivent maitriser. Mais ils est toujours utile d’avoir les meilleures trajectoires possibles parce que gagner une seconde sur un parcours peut faire la différence entre le succès et l’échec..

On voit donc que l’affirmation “les jeux vidéo sont problématiques parce qu’ils activent le circuit dopaminergique de la récompense, ce qui provoque des addictions” est une simplification abusive. D’une part, la dopamine ne saurait être responsable seule de l’addiction et d’autre part elle joue un rôle dans la régulation de l’humeur, dans les fonctions exécutives, l’apprentissage et la mémoire, la recherche de sensation et les fonctions exécutives. Les interactions entre le système dopaminergique et les jeux vidéo sont complexes et mutimidentisionnelles car elle engangent les mécaniques des jeux, les personnes et les contextes d’utilisation

Les écrans et le sommeil des enfants

vendredi 12 avril 2024 à 09:15

L’impact de l’utilisation des médias électroniques sur le sommeil des enfants a été un sujet d’étude prépondérant dans la recherche contemporaine en pédiatrie et en psychologie du développement. 

Les études menées par Garrison et Christakis montrent une relation notable entre l’utilisation des médias et les perturbations du sommeil chez les enfants d’âge préscolaire. Les chercheurs ont étudié le sommeil des enfants à l’aide du Children’s Sleep Habits Questionnaires et de journaux établis par les parents. Une évaluation quantitative et qualitative de la télévision, de l’ordinateur et des jeux vidéo a ainsi été possible. Une régression statistique a permis d’évaluer l’impact de la durée, des contenus et des co-utilisation sur les difficultés de sommeil. (Garrison et al., 2011)

Pour les auteurs, les problèmes de sommeil sont liés aux médias par trois routes différentes. Tout d’abord, ils retardent le moment de s’endormir puisque l’enfant est occupé à autre chose. Ils sont aussi tendance à augmenter le niveau d’excitation de l’enfant. Enfin, ils peuvent augmenter l’anxiété de l’enfant au moment de se coucher. Il s’ensuit des problèmes de sommeil comme l’augmentation du temps nécessaire à s’endormir, des cauchemars, des réveils nocturnes et des difficultés à s’éveiller. Du côté des médias, les contenus violents, l’utilisation d’un média en fin d’après midi et le fait d’avoir un média dans la chambre est un facteur aggravant. Pour chaque heure supplémentaire de contenu violent , les troubles du sommeil de l’enfant augmentent. Cet effet n’est pas trouvé pour les contenus non violents. 

L’utilisation de médias électroniques, notamment les tablettes, les téléphones portables et les jeux vidéo, a été associée à des retards dans l’heure du coucher et l’endormissement chez les enfants âgés de 0 à 5 ans. Plusieurs études ont trouvé un lien entre l’utilisation de ces appareils avant le coucher et une latence d’endormissement prolongée, ainsi qu’une association entre la présence d’une télévision dans la chambre et des coucher plus tardifs en semaine. Cependant, l’impact de l’utilisation des ordinateurs et de l’Internet sur la latence d’endormissement n’a pas été établi de manière concluante  (Lund et al., 2021)

La qualité du sommeil peut également être affectée, avec des preuves incohérentes concernant les réveils nocturnes et les troubles du sommeil liés à l’usage général des écrans. Une étude d’intervention a démontré que la promotion de contenus prosociaux sur les médias électroniques pouvait réduire les problèmes de sommeil  (Lund et al., 2021)

Concernant la durée du sommeil, il a été constaté que le temps total passé devant un écran était associé à une durée de sommeil plus courte, de même que le visionnage de la télévision et l’utilisation de tablettes ou d’écrans tactiles. Aucune association n’a été trouvée pour l’utilisation des téléphones portables et des jeux vidéo  (Lund et al., 2021)

Une relation complexe

La relation entre le sommeil et les écran reste cependant complexe. Il est tout d’abord inexact d’affirer que ‘une manière générale et uniforme, les écrans nuisent au sommeil. 

Dans une autre étude, les chercheurs ont montré que l’effet des médias sur le sommeil des jeunes enfants pouvait être mitigé après une intervention appropriée. Lorsque les parents remplacent les média violents ou inappropriés à l’âge des enfants par des contenus éducatifs, la qualité et la quantité du sommeil des enfants s’améliore considérablement. Leur travail met en lumière comment des interventions ciblées, encourageant une consommation médiatique qualitative, peuvent réduire les troubles du sommeil en limitant l’exposition à des contenus inappropriés, notamment violents. Ces recherches insistent sur l’importance de la qualité plutôt que de la quantité du contenu médiatique consommé par les enfants (Garrison & Christakis, 2012)

De plus, la revue systématique de travaux de Hale et Guan al’association entre le temps d’écran et les modifications du sommeil, montre des interactions complexes entre le type de contenu, le timing de consommation et le contexte familial?. une conclusion importante de leur revue systématique de la littérature est la relation causale écran – trouble du sommeil n’est pas trouvée par les études. Celles-ci présentent par ailleurs des biais méthodologiques qu’il faut prendre en compte avant de tirer des conclusions (Hale & Guan, 2015)

Voir les écrans uniquement sous un angle négatif ne correspond pas aux résultats de la recherche. Cela est vrai pour le sommeil, mais aussi pour ‘autres aspects de la vie des enfants. . En effet, il a été mis en évidence que dans certains condtions, l’utilisation des écrans pouvait être associé à des aspects positifs pour le développement. Par exemple, le visionnage de contenus éducatifs adaptés à l’âge avec un adulte engagé peut renforcer les compétences cognitives telles que l’attention, la mémoire et la pensée, tout en évitant les inconvénients du visionnage solitaire, tels que l’exposition à des contenus violents ou inappropriés. De plus, des activités d’écran combinées à des jeux créatifs ou actifs, tels que chanter, danser ou répéter des langues, peuvent être bénéfiques (Lund et al., 2021).

Pour les parents et les éducateurs

Les parents et les éducateurs peuvent retenir les éléments suivants

  1. les écrans en soi ne sont pas problématiques
  2. Les contextes d’utilisation et les contenus non adaptés a l’âge de développement de l’enfant peuvent être problématique
  3. Les contenus sur-excitants ou violents avant le coucher sont préjudiciables a l’endormissement et au sommeil
  4. Les adultes doivent privilégier les contenus qui enrichissent les apprentissages des enfants, tout en tolérant certains contenus qui peuvent leur sembler inutile ou “bêtes”
  5. Les adultes doivvent aider les enfants à établir des routines d’endormissement et de veiller à ce que la chambre soit un sanctuaire propice au repos